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La CSRD, le nouveau challenge du reporting de durabilité

Les entreprises de plus de 250 salariés qui répondent aux seuils fixés par la directive CSRD, ainsi que les SAS, qui échappaient jusqu’à présent à la Non Financial Reporting Directive et donc en France à la DPEF, vont devoir publier en 2026 leur premier rapport de durabilité sur l’exercice fiscal 2025. Si cette entrée en vigueur paraît lointaine, son anticipation constituera la clé du succès pour ces entreprises appelées à rendre compte de leur engagement dans la transition écologique.

 

CSRD le nouveau challenge
560296742 @Malik Nalik

 

 

Il serait hasardeux de considérer que la CSRD ne se résume qu’à une nouvelle contrainte réglementaire, fastidieuse et chronophage. Il serait réducteur d’imaginer que le rapport à produire se résumera à une formalité administrative, à exposer sa politique RSE agrémentée de quelques bonnes pratiques, que finalement, personne ne lira. Comme nous l’avons déjà évoqué, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sonne le glas des données collectées une fois l’an, qui servent à publier un « rapport rétroviseur », sans engagement, sans objectifs, sans pilotage.

Comme l’avait évoqué au Salon Produrable 2022 Sébastien Mandron, directeur RSE de Wordline, lors de la table ronde « L’Europe à l’heure des choix ! Derrière l’obligation de reporting, des choix stratégiques », le train du reporting est en marche et rester sur le quai n’est pas une option possible pour les entreprises. Pour les nouvelles entreprises obligées, la CSRD constitue non seulement un défi, mais elle constitue aussi un véritable enjeu stratégique.

 

La CSRD constitue un défi pour les PME et les SAS

Premier défi, comprendre la philosophie de la CSRD. Elle se veut le bras armé du Green Deal européen pour 50 000 entreprises, dont près de 40 000 entreprises qui ne rapportaient pas jusqu’à présent de données et informations environnementales, sociales et de gouvernance. Son objectif est d’engager ces entreprises dans leur transition écologique, vecteur de la durabilité de leur modèle.

Un engagement qui pose un nouveau défi, celui de l’analyse de ses risques et opportunités, ainsi que de ses impacts en matière environnementale et sociale. C’est ce que l’on appelle l’analyse de double matérialité. Avoir une politique RSE sera toujours pertinent, bien sûr, au même titre qu’une raison d’être fraichement formulée.

Mais cela sera tout à fait insuffisant, si cette politique ou encore cette raison d’être ne répondent que partiellement aux résultats de l’analyse de double matérialité. Pourquoi ? Parce que l’évaluation de l’impact n’était jusqu’à présent ni une exigence, ni une pratique courante. Si la norme française NF X30-29 permettait d’aborder l’impact dans le cadre des mises en œuvre de l’ISO 26000, elle répond très imparfaitement à ce qui sera désormais exigé.

Cela sera également insuffisant si cette politique RSE ne conduit pas l’entreprise sur des trajectoires environnementales et sociales, garantes de leur durabilité, et qui prennent en compte toute la chaine de valeur des entreprises assujetties. C’est une évolution majeure !

L’engagement sur des trajectoires constituera un autre défi, avec leur pilotage au moyen d’indicateurs clé de performance. Certains seront obligatoires, d’autres seront à formaliser en fonction des analyses de double matérialité. Cela posera, dans bien des cas, le problème de la fiabilité des données. Dans d’autres cas, il s’agira peut-être de l’existence même des données. Cela nécessitera la formalisation d’un processus de collecte des données, avec la même rigueur que pour ce qui existe sur le plan financier. Cela impliquera également de concevoir un protocole robuste d’indicateurs. Cela signifiera enfin, l’acquisition d’une solution logicielle dédiée, afin de collecter, traiter, fiabiliser, consolider, piloter et communiquer les données et permettre leur vérification.

Cela voudra aussi dire une implication bien souvent inédite des directions opérationnelles et supports chargées de mettre en œuvre le plan d’action. En effet, la CSRD se veut le reflet d’une RSE intégrée, ce qui implique d’aller au-delà des simples sensibilisations. Il va falloir demain expliquer, former, fédérer, impliquer et évaluer les managers et leurs équipes dans le déploiement de cette RSE réellement transformative. Cela voudra dire aussi, et c’est aussi novateur, qu’il faudra montrer comment la gouvernance s’impliquera dans la mise en œuvre de la transformation de l’entreprise. On parle ici de formation, d’organisation, de décision et d’investissement.

Le développement en interne, voire l’acquisition de nouvelles compétences constituera un autre défi pour les entreprises appelées à répondre aux exigences de la CSRD. Dès lors que l’on parle de RSE intégrée, on parle de RSE appliquée dans les décisions et les actes. Ce que l’ISO 26000 avait parfaitement pris en compte dans sa définition de la RSE, mais, reconnaissons-le, ce qui a été rarement appliqué.

A titre d’exemple, on peut évoquer ici un besoin de nouvelles compétences sur les émissions de gaz à effet de serre. Au-delà de la réalisation d’un Bilan de Gaz à Effet de Serre sur les scopes 1 et 2, il faudra non seulement prendre en compte le scope 3 (et donc maîtriser sa chaine d’approvisionnement et être en mesure d’obtenir des données) mais aussi, actionner les leviers de la décarbonation de l’entreprise, et la piloter de manière globale, transversale et locale.

 

La CSRD constitue un enjeu majeur pour les PME et les SAS

Pour les entreprises qui évoluent dans l’univers « BtoB », elles vont devoir, avant même de travailler à leur propre rapport de durabilité si elles sont éligibles, répondre aux sollicitations de leurs donneurs d’ordre qui devront, sur l’année fiscale 2024, prendre en compte leur chaine d’approvisionnement sur les trajectoires environnementales et sociales qu’ils se fixeront s’ils publient déjà une DPEF.

Il s’agira donc pour les PME impactées d’avoir la capacité de répondre aux questionnaires qui leur seront soumis. Un enjeu d’image, et au-delà, un véritable enjeu business ; ce sera l’occasion de montrer que sa propre maturité en matière Environnementale, Sociale et de Gouvernance (ESG) concourt à l’atteinte des trajectoires de ses donneurs d’ordre. D’ailleurs, le baromètre ObsAR 2023 (Observatoire des achats responsables,) publié le 7 février dernier, indique que les considérations environnementales et sociales gagnent encore du terrain dans les contrats entre entreprises donneuses d’ordre et fournisseurs !

Un autre enjeu majeur, celui de la montée en puissance des critères ESG chez les banques comme chez les fonds d’investissement, tant pour le marché coté que pour le private equity, et les compagnies d’assurance. Les acteurs financiers seront en attente de données plus transparentes, plus fiables, plus précises et granulaires. S’il s’agit d’une véritable révolution pour les entreprises qui n’ont jusqu’à présent jamais effectué de reporting, même si elles se sont déjà dotées de politique RSE, ce questionnement ESG sera une condition sine qua non d’accès à de nouveaux financements.

 

Comment se préparer au challenge posé par la CSRD ?

Le renforcement des enjeux de développement durable dans la stratégie, le modèle d’affaires, la gestion des risques et la gouvernance des entreprises constitue un challenge transformatif pour les entreprises qui seront pour la première fois obligées de publier un rapport de durabilité avec la CSRD. Pour les entreprises qui répondaient déjà à la DPEF, elles ont certes pour la plupart d’entre elles une pratique éprouvée du reporting extra-financier, mais l’engagement dans la transition constitue néanmoins un véritable changement de paradigme et va nécessiter des ajustements, des changements, des progrès à opérer.

L’anticipation constituera la clé du succès pour ces entreprises appelées à rendre compte de leurs engagements dans la transition écologique. Anticiper signifie donc s’informer sur les nouveautés et les nombreuses évolutions apportées par la directive CSRD. Les 12 European Sustainability Reporting Standards (ESRS) et les annexes sur les thématiques à publier sont déjà disponibles. Point n’est besoin d’attendre que les états transposent la directive dans leur loi (en juin 2024), pas plus qu’il ne faille attendre l’adoption définitive d’ici juin 2023 de ces 12 normes. Nous nous efforcerons pour vous faciliter la tâche, de poursuivre notre analyse des impacts de la CSRD comme nous le faisons depuis 2021 sur le blog RSE-Reporting.

Procéder à un état des lieux, dans la logique d’un « gap analysis » devrait permettre de mesurer le chemin à parcourir pour être en mesure de satisfaire aux exigences de la directive bien sûr, mais surtout d’appréhender les changements à opérer et donc les moyens à mobiliser. Qu’il s’agisse de revisiter sa politique RSE à l’aune de l’analyse de double matérialité, de formaliser cette politique si ce n’est pas encore le cas. Qu’il s’agisse de vérifier la compatibilité de ses indicateurs avec ceux exigés par a CSRD. Qu’il s’agisse de définir ses trajectoires de transition et leur pilotage. Qu’il s’agisse de l’organisation à mettre en place pour adapter votre organisation au déploiement de axes stratégiques de votre transformation.

« Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte » disait Emile de Girardin. La formule bien connue pourrait paraître grandiloquente dans le cas présent. Mais les défis et enjeux posés par la CSRD nécessitent bien de se pencher très sérieusement sur les implications de cette directive et, au-delà, sur les conditions requises pour assurer au mieux la durabilité de son entreprise.

 

Article rédigé par :

Bertrand Desmier

 

 

 

 

 

Crédit photo : AdobeStock_560296742 @Malik Nalik