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ESG Protection de l'environnement Reporting RSE

Reporting ESG des entreprises et biodiversité

Treize réseaux d’entreprises ont signé une tribune intitulée « “Scaling up action for nature » lors de l’EBNS (European Business and Nature Summit), qui vient de se dérouler. Les signataires appellent tous les acteurs économiques et politiques à augmenter leur ambition pour préserver la nature. Un signal fort à quelques mois de la deuxième partie de la COP 15 qui devrait se dérouler à Kunming. Mais qu’en est-il aujourd’hui de la prise en compte de la biodiversité dans le reporting ESG des entreprises ?

 

Cette tribune traduit la prise de conscience croissante des entreprises sur la nécessité d’agir. Le 20 mai 2020, l’Union Européenne avait publié sa stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030. Nous avions commenté cette feuille de route ambitieuse, en soulignant que les entreprises étaient invitées à apporter une large contribution, (« La nouvelle stratégie européenne en faveur de la biodiversité pour 2030 »). Cette nouvelle stratégie donnait de la résonnance au Plan d’Action de l’U.E. pour la finance durable de mars 2018.

 

Biodiversité et exigences de reporting ESG

Dans le cadre de l’article 225 de la loi Grenelle 2, la « Protection de la biodiversité » était bien présente. Il s’agissait pour les entreprises de rapporter « Les mesures prises pour préserver ou développer la biodiversité ».  Cette exigence s’est le plus souvent traduite par des informations qualitatives. Très peu de métriques ont été publiées. Fallait-il voir dans cette absence de données, l’absence d’enjeux stratégiques traduits en engagements opérationnels formalisés et pilotés, la timidité des plans d’action ?

La Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) n’a pas, dans un premier temps, contribué à améliorer le reporting extra-financier sur la biodiversité. Pourquoi ? « Parce que l’examen des analyses des risques extra-financiers et autres analyses de matérialité, nous montre que la biodiversité n’est que très rarement évaluée comme un risque, tout au plus une opportunité ». Par conséquent, les politiques mises en œuvre pour réduire et éviter ce risque sont peu présentes dans les DPEF. « comme nous l’évoquions dans l’article « Biodiversité, quels engagements pour les entreprises ? »

Avec la publication du Plan d’Action de l’U.E. pour la finance durable, le reporting ESG a été positionné par l’Union Européenne comme le levier de la transformation de l’économie de l’Union Européenne. La présentation de la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) ainsi que celle du Green Deal européen, fin 2019, ainsi que celle du Règlement Taxonomy, en juin 2020 sont venus accentuer la nécessité de prendre en compte la biodiversité. Dans ce contexte, certaines DPEF ont abordé la biodiversité avec un peu plus de substance.

Avec la SFDR, les acteurs financiers ont désormais l’obligation de reporter sur les activités de leur portefeuille de participations ayant un impact négatif sur la biodiversité. En termes de métriques, il leur est demandé de publier la « Part des investissements dans les entreprises bénéficiaires dont les sites/opérations sont situés dans ou à proximité de zones sensibles du point de vue de la biodiversité et où les activités de ces entreprises ont un impact négatif sur ces zones ». La biodiversité figure au nombre des six objectifs de la Taxonomie verte, sous l’intitulé « La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes ».

En France, en écho à la SFDR, l’article 29 de la loi Énergie Climat de 2019, prévoit de définir les obligations de reporting des investisseurs sur les risques climatiques et la biodiversité. Son décret d’application, sorti le 27 mai 2021, impose à tous les investisseurs qui gèrent plus de 500 millions d’euros d’intégrer dans leur reporting ESG, les risques climatiques et l’impact sur la biodiversité. Applicabilité en 2022. Reste à proposer des métriques précises pour que des données fiables, comparables et vérifiables, viennent étayer les informations qualitatives publiées.

Avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), l’ambition est de pouvoir analyser les trajectoires des stratégies mises en œuvre par les entreprises pour contribuer à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, comme à la perte massive de biodiversité. L’objectif poursuivi sera de permettre aux parties prenantes de vérifier – si et comment – les entreprises maximisent leurs impacts positifs et réduisent leurs impacts négatifs.

A noter, concernant la CSRD, que fin novembre, l’European Financial Reporting Advisory Group ( EFRAG) et la GRI ont annoncé qu’ils allaient coconstruire les nouvelles normes relatives au reporting de la biodiversité. 

Avec la mise en ligne récente de la Plateforme Impact, l’objectif du gouvernement français est de permettre aux entreprises qui le souhaiteraient, d’anticiper les évolutions réglementaires européennes à venir. La plateforme permet aux entreprises volontaires d’y publier leurs données ESG. 10 réseaux d’entreprises et près de 500 entreprises soutiennent cette initiative. Près de 200 d’entre elles ont déjà publié leurs données. Et la biodiversité est bien évidemment prise en compte. Ainsi, parmi les indicateurs à produire, figure « Activités ayant un impact négatif sur la biodiversité des zones sensibles ».

La notice de la plateforme Impact explique quelles sont les informations attendues pour l’indicateur « Activités ayant un impact négatif sur la biodiversité des zones sensibles ».

  • Intitulé, Région Département Pourcentage de CA lié à l’activité Unité Bloc dédié ” Intitulé de l’activité, Région où se situe l’activité, Département où se situe l’activité, CA lié à l’activité, Pourcentage de CA lié à l’activité”.
  • Précisions sur l’information attendue : « Description des activités situées proches de zones naturelles sensibles et part du chiffre d’affaires liée à ces activités ».

Conclusion

En conclusion, pour le changement climatique comme pour la biodiversité, la mesure est la pierre angulaire des stratégies à mettre en œuvre. Faire plus et mieux en faveur de la biodiversité exige des entreprises qu’elles collectent, pilotent et publient des données fiables, comparables et vérifiables. D’où l’importance d’une normalisation des métriques.

D’où l’importance également de se doter d’une solution logicielle experte. Dans une étude récemment publiée (échantillon de 1290 entreprises dans 12 pays) BCG Gamma révélait que « 86 % (des entreprises) déclarent leurs émissions manuellement à l’aide de feuilles de calcul Excel et la marge d’erreur des calculs rapportés est évaluée entre 30 et 40 %. » quand la 9ème étude de Tennaxia sur les pratiques de reporting et rapports RSE évoquait que 62% des entreprises de l’échantillon utilisaient encore Excel.

Par ailleurs, la prise en compte des impacts des entreprises sur la biodiversité implique, en amont de la formalisation des indicateurs de performance et de la collecte des métriques « normalisées », de renforcer la robustesse des analyses de matérialité, au sens de la double matérialité préconisée par l’EFRAG. Une normalisation de la méthodologie à mettre en œuvre sera, là aussi, la bienvenue.

A suivre !