RSE Reporting
Reporting RSE

Les impacts attendus de la CSRD sur le reporting de durabilité

Avec la loi NRE et l’article 225 de la loi Grenelle 2, les entreprises obligées étaient invitées à collecter et partager leurs données et informations RSE. Autrement dit, à regarder dans le rétroviseur une fois par an. La Déclaration de performance extra-financière (DPEF) marquait un tournant. La modélisation du modèle d’affaires et l’approche par la matérialité étaient voulues pour donner plus de sens, plus de pertinence et plus d’utilité, tant pour les entreprises et que pour leurs parties prenantes. La DPEF, via l’identification des indicateurs clés de performance, suggérait des remontées de données plus fréquentes, et dans l’esprit, partagées avec la direction des entreprises. Que va apporter la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) appelée à remplacer la NFRD que nous avons transposé en DPEF ?

La CSRD va remettre les autres pays européens au niveau de la France en matière de reporting de durabilité. Très bien, mais que va-t-elle apporter aux entreprises françaises, au-delà d’impliquer les PME de plus de 250 salariés, les SAS et les sociétés cotées entre 10 et 500 personnes, non concernées par la DPEF, de leur permettre, au-delà de la contrainte, de valoriser leur performance RSE ? Va-t-elle engendrer une plus grande implication de la gouvernance des entreprises ? Va-t-elle accroitre la nécessité de piloter les données “extra-financières” comme le font déjà les entreprises pour les données financières ? Examinons les apports potentiels de la CSRD en lien avec l’ensemble des textes du “green deal européen”.

 

La CSRD devrait aboutir à une plus grande implication de la gouvernance des entreprises

Avec le “Green Deal” l’Union Européenne veut favoriser la transition vers une économie plus durable et compatible avec les enjeux environnementaux et sociaux. Trois textes réglementaires complémentaires, le règlement Taxonomy, Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFRD) et la CSRD viennent servir cette ambition.

Avec la taxonomie verte européenne, les entreprises vont devoir déclarer, dès cet exercice 2021, les indicateurs exigés pour les 6 objectifs (à l’heure actuelle seuls l’atténuation et l’adaptation au changement climatique sont cadres), exprimés en ratios chiffre d’affaires vert, CapEx et OpEx verts, détaillés par objectif et activité. Cette nouvelle obligation devrait à minima inviter les Directions Financières à se rapprocher des Directions RSE. Mais au-delà, il apparaît tout à fait probable que la Direction Générale des entreprises et le Conseil d’Administration se pencheront sur cette nouvelle déclaration publique des activités contributives à la durabilité.

Le Règlement « SFDR », quant à lui, concerne les acteurs financiers. Il a peu d’impacts directs sur les directions des entreprises émettrices, si ce n’est éventuellement à réagir sur une évaluation ESG peu flatteuse faite par les acteurs financiers. Cependant, nous le verrons par la suite, les indicateurs exigés sur lesquels les investisseurs devront communiquer seront, convergence oblige, vraisemblablement demandés aux entreprises pour la CSRD.

En revanche, la CSRD devrait exiger que les entreprises publient des informations sur :

  • Le modèle d’affaires et la stratégie, la résilience aux risques de durabilité, les opportunités, les plans pour garantir leur compatibilité avec la transition vers une économie durable et la limitation du réchauffement climatique à 1.5°C, la prise en compte des intérêts des parties prenantes et des impacts de l’entreprise (double matérialité), comment la stratégie tient compte de la durabilité,
  • Les objectifs en matière de durabilité et progrès en lien avec les objectifs,
  • Le rôle des organes de gouvernance en lien avec la durabilité.

A priori donc, il y a tout lieu de penser que nous assisterons bel et bien à une plus grande implication de la gouvernance des entreprises, en écho aux exigences de la taxonomie verte.

 

La CSRD devrait concourir à améliorer le pilotage des données de durabilité

Les 14 indicateurs de la SFDR (1) et les 6 objectifs de la Taxonomie verte (Atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, eaux et sources marines, économie circulaire, pollutions et biodiversité et écosystèmes) devraient constituer une base de publication des données exigées pour le niveau d’information « agnostique », c’est-à-dire le niveau général exigé pour toutes les entreprises, quels que soient leur secteur d’activité ou leur taille.

Dans la mesure où la CSRD vient renforcer les éléments relatifs à la stratégie de durabilité, à challenger le rôle de la gouvernance et la contribution à la limitation du changement climatique à 1,5°C, en lien avec la taxonomie et la SFDR, on peut donc aussi avancer que la gouvernance de l’entreprise devrait prendre une part plus accrue dans le pilotage des KPIs. Même si l’on note que le texte à venir ne propose réellement de présenter un plan d’action crédible avec l’ensemble des budgets associés comme le propose les auteurs de l’initiative française Déclaration de performance intégrée (DPI).

Le changement climatique et l’érosion massive de la biodiversité n’exigent-ils pas de la part des entreprises un engagement fort et déterminé ? Cela ne peut être possible qu’à la condition d’un pilotage de ces données qui permette de vérifier si les objectifs sont atteints en fonction du plan d’action validé par la direction et d’allouer les moyens nécessaires en fonction des impacts et des résultats constatés. Cela signifie une remontée plus fréquente (bimestrielle ou trimestrielle, voire mensuelle) des indicateurs clés de performance identifiés, et partagée avec les COMEX et Comités de direction. Voir à ce sujet notre article du 20 mars 2020.

La vérification par un Organisme Tiers Indépendant, déjà exigée en France, sera rendue obligatoire. L’OTI devrait délivrer une assurance modérée portant sur les KPIs de la Taxonomie, le processus d’identification de l’information à publier et l’information digitalisée à fournir. Une vérification, qui se trouve de fait renforcée par rapport à l’existant et qui devrait aussi se traduire par une plus grande implication des organes de gouvernance de l’entreprise.

Si de nombreux éléments sont encore en confirmer, en particulier les futures normes de reporting qui viendront préciser le cadre de mise en œuvre de la CSRD, les entreprises françaises ont désormais un peu plus d’un an pour préparer la publication des premières CSRD attendues en 2024 sur l’exercice fiscal 2023. La CSRD constitue un levier de mise en œuvre de la transition écologique à laquelle les entreprises européennes sont invitées à prendre une part active.

Elle invite donc à s’interroger, au plus vite, sur les risques et opportunités posés par sa mise en œuvre et s’engager dans une RSE encore plus et mieux intégrée. Pour les « nouveaux entrants », il est d’ores et déjà temps d’engager la réflexion sur ce qu’induit la publication à venir de leur premier reporting de durabilité.

A suivre !

 

(1) Les 14 Indicateurs SFDR : (Les émissions de GES, empreinte carbone, l’intensité en GES des entreprises bénéficiaires d’investissements, l’exposition aux entreprises actives dans le secteur des combustibles fossiles, la part de la consommation et de la production d’énergie non renouvelable, l’intensité de la consommation d’énergie par secteur climatique à fort impact, les activités ayant un impact négatif sur la biodiversité, les rejets aqueux, la part de déchets dangereux, l’égalité salariale H/F, la diversité au sein des conseils d’administration, la violation des principes du Pacte mondial des Nations Unies et des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales, l’absence de processus et de mécanismes de contrôle du respect des principes du Pacte mondial des Nations Unies et des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, l’exposition à des armes controversées)