RSE Reporting
ESG

Le temps de la régénération du reporting ESG

20 ans ! 20 ans en France de reporting extra-financier. De la loi NRE à la DPEF en passant par l’article 225 de la loi Grenelle 2, ce reporting a connu une considérable évolution. Une évolution qui témoigne de la prise en compte croissante de la Responsabilité Sociétale des Entreprises par les différentes parties prenantes pour mieux apprécier la performance des entreprises. Avec le changement climatique, qui s’accélère au même titre que la chute de la biodiversité, le monde est confronté à des défis inédits auxquels il doit répondre dans les 10 années à venir. Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans l’inversement de la tendance. Le reporting ESG devra refléter la contribution de chacune des entreprises. Après l’évolution est venu le temps de la régénération du reporting ESG !

 

Qu’attend-on finalement aujourd’hui du reporting ESG ?

 

Qu’il permette d’évaluer la responsabilité des entreprises vis-à-vis de l’environnement et de leurs principales parties prenantes (salariés, fournisseurs, clients, société et investisseurs). Ce qui induit que le reporting ESG propose une information de qualité, tant en termes de pertinence qu’en termes de transparence. Dans ce contexte, la Déclaration de performance extra-financière (DPEF) a marqué un tournant avec la notion de « performance extra-financière ». Il ne s’agit nullement d’un artifice sémantique. Elle correspond à l’évolution de la RSE.  D’une responsabilité sociétale subie du fait de la pression réglementaire, d’une RSE cosmétique portée par le « storytelling » aux relents de « greenwashing », à une RSE plus et mieux intégrée dans les entreprises, vecteur de performance globale et durable.

La DPEF se veut être un outil de pilotage stratégique de l’entreprise, à la fois concis et accessible, concentrée sur les informations significatives comme l’ont préconisé en 2019 la Plateforme RSE (1) dans son rapport intitulé « RSE et performance globale : mesures et évaluations, état des lieux des pratiques » et L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) dans son quatrième rapport sur la RSE (2). Après 3 ans de publication, d’incontestables progrès ont été réalisés. Mais la marge de progrès reste encore importante.

Ainsi, dans notre précédent article nous avions indiqué que « La DPEF, via l’identification des indicateurs clés de performance, suggérait des remontées de données plus fréquentes, et dans l’esprit, partagées avec la direction des entreprises. » Les KPIs environnementaux, sociaux et sociétaux, sont-ils aujourd’hui remontés aux directions générales et analysés de la même manière que les indicateurs clés de performance économiques et financiers ? Certaines entreprises commencent à le faire.

Pourtant, comme l’indique Patrick de Cambourg, Président de la Task Force de l’EFRAG sur l’information non-financière, « L’idée fondamentale c’est que l’information des entreprises doit marcher sur deux jambes. Une jambe financière, très élaborée aujourd’hui et assez mûre, et une jambe extra-financière qui, elle, est émergente, qui n’est pas normée et dont le niveau de qualité est moindre. Donc il s’agit, très vite, de donner une consistance identique et un statut identique à cette deuxième jambe. »

C’est l’ambition de la future Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), porteuse du reporting de durabilité.  Son objectif est de garantir la pertinence et la qualité de l’information extra-financière des entreprises, et d’en faire une ambition et un atout pour une Europe acteur engagé dans la transition écologique, avec une économie qui prenne une part active à la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.

Une régénération salutaire du reporting ESG

« 2020- 2030 : le temps de la régénération » titre Cécile Colonna d’Istria dans son éditorial consacré à l’édition 2021 de Produrable. Si l’on peut appeler de nos vœux, comme elle fait, à une régénération de l’économie mondiale, cela ne saurait se faire sans régénération du reporting ESG qui devra témoigner de la contribution des entreprises.

Avec son nouveau triptyque réglementaire, la Taxonomie, la CSRD et la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), l’Union Européenne nous propose une régénération du reporting ESG, pour une finance durable européenne appelée à prendre une part décisive dans le financement de l’économie réelle, acteur majeur de la transition énergétique et écologique.

Avec la taxonomie verte européenne, les entreprises vont devoir déclarer dès cet exercice 2021, comme déjà évoqué dans de précédents articles, les indicateurs exigés pour les six objectifs (à l’heure actuelle seuls l’atténuation et l’adaptation au changement climatique sont cadrés et seront les seuls à prendre en compte), exprimés en ratios chiffre d’affaires vert, CapEx et OpEx verts, détaillés par objectif et activité. Principaux bénéfices en termes de gouvernance ? Direction Générale des entreprises et Conseil d’Administration ne manqueront pas d’accorder une attention toute particulière à cette nouvelle déclaration publique des activités contributives à la durabilité. Sans oublier, un rapprochement des directions financières et développement durable. En un mot…régénération !

Avec la CSRD, 50.000 entreprises européennes seront appelées à produire des informations et données disponibles, comparables, probantes et pertinentes, intégrées au pilotage de la performance de l’entreprise, circonscrites aux enjeux matériels (issus d’une analyse de double matérialité), exprimées en indicateurs clés de performance, avec des données assorties d’objectifs. Une première comme déjà évoqué pour des milliers de PME de plus de 250 salariés. Pour elles, plus qu’une nouvelle contrainte, l’opportunité de pouvoir valoriser auprès de leurs parties prenantes l’intégration de la RSE dans leur modèle d’affaires, dans leur stratégie. Là encore, régénération !

Plus précisément, la CSRD devrait exiger que les entreprises assujetties présentent le lien entre leur modèle d’affaires et leur stratégie, la résilience aux risques de durabilité, les opportunités, les plans pour garantir leur compatibilité avec la transition vers une économie durable et la limitation du réchauffement climatique à 1.5°C, mais aussi la prise en compte des intérêts des parties prenantes et des impacts de l’entreprise (double matérialité). Qu’elles montrent comment la stratégie tient compte de la durabilité, quels sont les objectifs en matière de durabilité et quels sont les progrès en lien avec les objectifs. Enfin, qu’elles nous communiquent le rôle des organes de gouvernance en lien avec la durabilité. On le voit, bien plus qu’une évolution, une véritable régénération !

 

Quid de la notation ?

Peut-on parler de régénération du reporting ESG sans évoquer la nécessaire régénération de la notation ESG ?  On l’a vu, l’ISR est en constante croissance. Il représentait en France, en 2018, 1 400 milliards d’euros, soit une progression de 40 %. Il représente plus de 14 000 milliards de dollars en Europe et 12 000 aux États-Unis. On a assisté au cours de ces trois dernières années à un flux sans précédent de fonds durables et à la multiplication de nouveaux produits. Bref, oui, les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux questions environnementales, sociales et de gouvernance. Si c’est tant mieux, on a vu un certain nombre de professionnels et d’experts se montrer critique à l’égard des pratiques de la notation ESG, et pointer ses limites ainsi que les risques de greenwashing.

Dernier en date, Hans Taparia (Co-Founder at Desert Bloom, Clinical Associate Professor NYU Stern School of Business) dans une tribune publiée par Standford SOCIAL INNOVATIVE Review. Il s’interroge sur le bienfondé d’un système de notation ESG qui occulte “la nature de la citoyenneté des entreprises évaluées”. Il est pour lui nécessaire de régénérer les méthodologies, afin de gagner en fiabilité, en comparabilité et en sens.

Alors que l’on attend de la finance durable qu’elle soit le levier de régénération de l’économie réelle afin qu’elle contribue plus et mieux à la transition énergétique et écologique, la gestion des risques et des impacts négatifs n’est pas de nature à donner une projection des objectifs et des moyens mis en œuvre par les entreprises cotées comme non cotées. Dans ce contexte, une réflexion plus approfondie de la notation ESG n’est-elle pas nécessaire ?

 

(1) et (2) :

Communication extra-financière pour les entreprises : les recommandations de la Plateforme RSE

Parmi les 19 recommandations formulées par la Plateforme RSE, six concernent les reporting RSE des entreprises. Le groupe de travail leur conseille ainsi de :

  • Etendre et de renforcer l’association des parties prenantes, dont les salariés et leurs représentants, à la définition des indicateurs de mesure de la RSE ;
  • Conforter la place des données extra-financières parmi les données utilisées pour leur pilotage ;
  • Publier, lorsque c’est possible et pertinent, dans le cadre de leur reporting RSE, des données, filiale par filiale et pays par pays, en précisant les variations des standards, des réglementations et des attentes locales ;
  • Publier sous un format exploitable par tous, en open data, leurs données publiques portant sur la RSE ;
  • Développer l’identification de l’impact de leurs actions RSE, ainsi que leurs mesures, en particulier dans le contexte de la loi PACTE ;
  • Identifier leur contribution aux ODD (Objectifs du développement Durable) fixés par l’agenda 2030 de l’ONU) et à leurs cibles.
6 enjeux identifiés par l’AMF pour une DPEF réussie :
  • Privilégier la concision en limitant la déclaration aux seuls enjeux jugés matériels pour l’entreprise” ;
  • Communiquer sur le périmètre consolidé et s’interroger sur la pertinence d’élargir ce périmètre en fonction du modèle d’activité ;
  • Proposer une note méthodologique décrivant le processus de collecte des données extra-financières, les périmètres retenus en fonction des indicateurs et les méthodes de calcul ;
  • Porter une attention particulière au processus d’identification des enjeux et des risques extra-financiers, en précisant l’horizon de temps dans lequel ces risques potentiels peuvent se matérialiser ;
  • Choisir un nombre limité d’indicateurs clés de performance permettant de mesurer le suivi des objectifs et les justifier ;
  • Assurer la cohérence d’ensemble entre modèle d’affaires, risques identifiés, politiques mises en place et indicateurs clés de performance.