Depuis le 25 octobre, un nouvel ingrédient vient agrémenter, voire pimenter, la Déclaration de Performance extra-financière, l’évasion fiscale ! Cet additif inscrit davantage encore la « DPEF » dans la voie du reporting intégré, dans la mesure où ce point renforce la nécessité pour les entreprises de rendre compte de leur création de valeurs dans la durée, en mettant en perspective performance financière et extra-financière. Plus affaire de fiscalistes que de responsables RSE, la prise en compte de l’évasion fiscale invite les entreprises à davantage de transversalité pour s’assurer de la cohérence et de l’univocité de leur communication financière et extra-financière.
Rappel légal
Pour les exercices ouverts depuis le 1er septembre 2017 (rapports de gestion établis après le 31 août 2018), les grandes sociétés doivent insérer dans leur rapport de gestion une déclaration de performance extra-financière centralisant l’information sociale et environnementale de leur activité.
Les entreprises cotées, employant d’une part plus de 500 salariés permanents, et ayant d’autre part un bilan supérieur à 20 M€ ou un chiffre d’affaires net supérieur à 40 M€, doivent quant à elles présenter les informations relatives au respect des droits de l’homme et à la lutte contre la corruption.
Cependant, à compter du 25 octobre 2018, leur « DPEF » devra également inclure les informations relatives à la lutte contre l’évasion fiscale (c. com. art. L. 225-102-1 modifié), en vertu de la LOI 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, en son article 20, publiée au JO du 24 octobre.
L’évasion fiscale en preuves pour communiquer
A ce jour, peu de commentateurs se sont risqués à préciser les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle exigence. Grâce à celle-ci, les entreprises cotées sont invitées, en écho à ce que Larry Fink – directeur général de BlackRock – évoquait dans un courrier transmis aux dirigeants des sociétés du S&P-500, à être loyales non pas aux investisseurs ou courtiers qui détiennent des actions à un moment donné dans le temps, mais à la société et ses propriétaires à long terme.
L’esprit de cette loi est d’inviter les entreprises à la plus grande transparence sur leurs pratiques fiscales, les invitant à l’exemplarité en la matière. Depuis quelques années déjà, certaines publiaient leurs contributions fiscales aux Etats. Notamment, dans le cadre de la mise en œuvre des reporting intégrés, les entreprises ont par exemple publié leur redistribution des revenus ou leur boucle de création de valeur avec la part versée – globalement – aux impôts et taxes.
Mais au-delà de la part reversée, on comprend ici qu’il devrait s’agir d’expliquer « le pourquoi du comment » de ce chiffre. Autrement dit, de donner les clés de lecture de l’optimisation fiscale de l’entreprise, dans le respect de la loi, et de montrer par là-même que la potentialité d’une fraude fiscale, passible de sanctions pénales, n’est pas de mise.
Si l’intention du législateur d’exiger des entreprises toujours plus de transparence est louable, l’exercice de communication sur la fiscalité de l’entreprise est complexe, et reste l’apanage des experts fiscalistes. Rendre compréhensible ce sujet à toutes les parties prenantes apparait dès lors illusoire, si ce n’est à se contenter de quelques lieux communs. Par ailleurs, les organismes tiers indépendants (OTI) n’ont pas à ce jour reçu les modalités de vérification de la conformité sur l’évasion fiscale. La Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) n’a pas encore communiqué sur ce point.
En conclusion
A quelques encablures de la publication des rapports extra-financiers 2018, il y a donc – à ce jour – de fortes probabilités qu’une majorité des entreprises renvoie les parties prenantes lectrices de la DPEF au chapitre ad-hoc du Document de Référence. L’analyse des DPEF de l’an 1 permettra certainement d’identifier les meilleures pratiques des entreprises les plus matures et exemplaires. La 7ème édition de l’étude Tennaxia sur les pratiques de reporting et rapports RSE aborde bien sûr ce sujet.