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CSRD Reporting RSE

CSRD, version Commission Européenne

Le 9 juin dernier, le projet d’acte délégué relatif à la directive CSRD a été publié par la Commission européenne. Il intègre le premier jeu de normes européennes d’information en matière de durabilité, European Sustainability Reporting Standards (ESRS). Compte tenu des fortes pressions exercées par les lobbies, de nombreux observateurs ainsi que le rapporteur de la Directive au Parlement Européen, Pascal Durand, avaient alerté sur un risque de fort recul des ambitions, voire de gel pur et simple de certains thèmes portés par les ESRS. Qu’en est-il ?

 

CSRD, version Commission Européenne
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Nous avions publié en mai dernier un article intitulé « La CSRD serait-elle en danger ? ». Les opposants à la CSRD reprochent à la CSRD, telle qu’elle a été votée par le parlement européen en novembre dernier, une trop grande complexité pour les entreprises. Certains souhaitant que l’on se concentre sur le seul volet climat, à l’instar des deux normes récemment adoptées en la matière par l’International Sustainability Standards Board (ISSB), alors que l’ambition initiale de l’Europe était de considérer comme un ensemble tous les piliers de l’ESG.

Alors, oui, bonne nouvelle, ce scénario dégradé n’a pas été retenu par la Commission Européenne. Les 12 standards ESRS ont bien été publiés, avec 82 « disclosure requirements » (DR) ou exigences d’informations à fournir. Les ESRS couvrent bien toujours les quatre domaines d’information initialement prévus : gouvernance, stratégie, gestion des impacts, risques et opportunités et indicateurs et objectifs.

Maintenant, de nombreuses prises de position ont fait état d’une ambition initiale européenne revue à la baisse. Au motif d’une part que les entreprises de moins de 750 personnes (nouveau seuil qui n’existait pas jusqu’alors dans les travaux réalisés par l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), mandaté par l’Europe pour préparer les normes) pourront décaler leur publication des informations au sujet du changement climatique.

Et d’autre part, que désormais seules les informations générales listées dans l’ESRS 2 sont obligatoires, l’analyse de double matérialité déterminera quant à elle, les thématiques devant être prises en compte et publiées. Exit donc le champ obligatoire du climat pour toutes les entreprises qui répondent aux seuils d’éligibilité à la CSRD (plus de 250 salariés et/ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et/ou 20 millions d’euros de total de bilan).

Sur ce point, l’on pourrait rétorquer que l’analyse de double matérialité qui fait la singularité et la pertinence de la réglementation européenne, reste bien le socle de la future CSRD, avec la prise en compte de la matérialité financière et la matérialité d’impact. Elle joue un rôle central dans le dimensionnement des informations matérielles à fournir pour couvrir les sujets ESG identifiés comme étant précisément… matériels pour l’entreprise.

Bien sûr, pour que l’analyse de matérialité joue pleinement le rôle qui lui est dévolu, il faudra que l’exercice soit réalisé avec la plus grande rigueur. Or, on a vu et on voit encore pour les DPEF, des analyses de matérialité qui souffrent de certaines faiblesses méthodologiques. Dans le cadre de la CSRD, l’analyse de double matérialité sera auditée (et souhaitons qu’elle soit challengée) et revue par les autorités de marché. Elle devrait faire l’objet prochainement d’une standardisation rédigée par l’EFRAG qui sera la bienvenue.

 

Quels sont les principaux changements apportés à la CSRD ?

Comme nous venons de le voir, la double matérialité est conservée : “toutes les normes, toutes les exigences de divulgation et tous les points de données au sein de chaque norme feront l’objet d’une évaluation de la matérialité par l’entreprise, à l’exception des obligations d’information spécifiées dans les “Informations générales”. Cette mesure devrait donc entraîner une réduction significative de la charge pour les entreprises et contribuer à garantir que les normes soient proportionnées.

A noter que pour ce qui est de la biodiversité, l’approche LEAP (« Locate, Evaluate, Assess, Prepare ») n’est plus retenue, au motif qu’elle est peu connue et peu mise en œuvre. On note ici une dégradation préoccupante du texte initial. L’impact des entreprises sur les écosystèmes est un sujet majeur. En l’espèce, il serait inconcevable de réaliser une analyse à minima. Point de vigilance donc !

La Commission entend faciliter le reporting pour les entreprises qui seront soumises pour la première fois à une obligation de reporting de durabilité. Ainsi, les entreprises de moins de 750 salariés pourront omettre les données sur les émissions de GES Scope 3 et les exigences de divulgation spécifiées dans la norme sur la « main-d’œuvre propre » au cours de la première année où elles appliquent les normes ; et les exigences de divulgation spécifiées des ESRS sur la biodiversité et sur les travailleurs de la chaîne de valeur, les communautés affectées, les consommateurs et les utilisateurs finaux au cours des deux premières années où elles appliquent les normes.

Toutes les entreprises peuvent omettre les informations suivantes au cours de la première année d’application des normes : les effets financiers anticipés liés à des questions environnementales non climatiques (pollution, eau, biodiversité et utilisation des ressources) ; et certaines données relatives à leur propre main-d’œuvre (protection sociale, personnes handicapées, mauvaise santé liée au travail et équilibre entre vie professionnelle et vie privée).

La Commission a en outre converti un certain nombre de données obligatoires proposées par l’EFRAG en données volontaires. Il s’agit, par exemple, des plans de transition en matière de biodiversité, de certains indicateurs concernant les « non-salariés » au sein du personnel de l’entreprise et d’une explication des raisons pour lesquelles l’entreprise peut considérer qu’un thème de développement durable particulier n’est pas matériel.

La Commission Européenne a ouvert une période de consultation de quatre semaines, qui se termine ce 7 juillet à minuit. Elle publiera un texte entre fin juillet et fin août. Le Conseil et le parlement disposeront au préalable de 2 mois renouvelables pour la commenter. En l’absence de rejet, la publication du texte final devrait intervenir d’ici la fin de l’année, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Si le feuilleton CSRD n’est pas terminé, les mois à venir devront être mis à profit pour analyser les écarts entre l’actuelle DPEF et la future CSRD, en l’état de sa publication, et anticiper la mise en œuvre de l’analyse de double matérialité.

A suivre !

 

Article rédigé par :

Bertrand Desmier

 

 

 

 

 

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