La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a connu au cours de ces vingt dernières années une très forte dynamique de croissance. Après les quelques rares entreprises pionnières, la pression des ONG a conduit les états à légiférer, ce qui a constitué un puissant levier de développement de la RSE, en particulier en France. Depuis quelques mois maintenant, la prise en compte par les investisseurs des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) vient littéralement booster la RSE pour les entreprises cotées comme les non cotées. La crise sanitaire allait-elle faire passer au second plan ces critères pour les investisseurs ? Non, bien au contraire, l’investissement responsable ne s’est jamais aussi bien porté ; désormais la performance financière des entreprises est mesurée à l’aune de sa performance extra-financière !
Aux sources de la RSE
Il est difficile de faire la genèse de la RSE. Des premiers travaux académiques des années 50, à la création du Global compact en 1999, la RSE a été tout d’abord portée par des entreprises pionnières qui intégraient volontairement les préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales ainsi que leurs relations avec leurs parties prenantes. L’essor exponentiel du concept de RSE a amené les autorités internationales et nationales à l’encadrer par de nouvelles réglementations.
Force est de constater que ces différents textes de loi ont constitué un accélérateur à la mise en œuvre de la RSE :
– la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE),
– l’article 225 de la loi Grenelle 2 de 2010,
– la loi sur le devoir de vigilance de 2017,
– le Décret n° 9 août 2017 relatif à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises
En parallèle, au cours des dix dernières années, nous avons assisté à l’émergence de l’investissement responsable qui est venu ajouter une nouvelle pression auprès des entreprises cotées et plus récemment, auprès des non cotées.
L’investissement responsable, une vision long terme
La crise mondiale de 2007-2008, bien sûr, mais aussi les polémiques au sujet d’incidents environnementaux qui ont affecté plusieurs groupes internationaux, ont fait prendre conscience aux investisseurs qu’il pouvait être dangereux de se focaliser uniquement sur le court terme.
La prise en compte du changement climatique constitue un levier majeur du développement de l’investissement responsable. Les investisseurs sont de plus en plus conscients que l’obtention de rendements sur le long terme induit de soutenir des entreprises s’étant engagées dans des stratégies bas-carbone. Ainsi en France, à titre d’exemple, selon Paris Europlace « Les grandes banques françaises sont toutes dotées d’une politique volontariste de sortie du charbon ; tous les assureurs disposent d’une politique d’exclusion relative au charbon (…). Et concernant la gestion d’actifs, des stratégies d’exclusion du charbon s’appliquent déjà à plus des deux tiers des actifs gérés en France. »
L’implication des autorités régulatrices constitue un autre facteur de croissance. Au niveau européen comme en France, les autorités financières ont fait de l’investissement responsable l’une de leurs priorités. Les autorités poussent les investisseurs à intégrer l’analyse et la divulgation des risques ESG dans le processus d’investissement. Dans la foulée, la chasse au « greenwashing » a d’ailleurs été ouverte ; nous avons a vu que l’AMF avait publié en mars dernier une première doctrine en matière d’information des investisseurs.
La prise en compte des critères ESG devenant incontournable, les investisseurs deviennent de plus en plus exigeants sur la qualité souhaitée des informations et des données extra-financières. En effet, le quotidien « Les Echos » rapportait le 10 août dernier que selon une récente étude publiée par E&Y, réalisée auprès de 300 institutions financières “98 % évaluent les performances non financières sur la base des informations fournies par les entreprises, 72 % d’entre eux déclarant procéder à une évaluation structurée et méthodique.”
L’histoire de l’ESG s’écrit maintenant
L’essor des signataires des Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations unies constitue un baromètre assez probant de l’impact des facteurs que nous venons de citer. Les Echos rapportaient récemment que « Les Principes pour l’investissement responsable (PRI) ont enregistré une croissance exponentielle depuis leur lancement en 2006. Ils regroupent désormais plus de 3.000 signataires pour plus de 100.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion ». Plus 20% de signataires en 2019 !
On notera l’étude publiée par Fidelity International selon laquelle les fonds durables qui pratiquent l’investissement responsable ont mieux résisté au choc boursier et ont vu affluer de nouveaux investisseurs. La pandémie a finalement constitué un nouvel accélérateur, alors que l’investissement ESG avait déjà atteint un record de collecte en 2019.
Cette forte évolution de la finance durable n’est vraiment pas près de s’arrêter là ! Le récent recrutement de l’ancien gouverneur de la banque du Canada puis de la banque d’Angleterre par Brookfield Asset Management, qui gère environ 550 milliards de dollars d’actifs, en atteste de l’énorme enjeu stratégique des fonds ESG. Mark Carney a été embauché en tant que vice-président par le groupe canadien spécialisé dans les actifs alternatifs, pour mener à bien son développement dans les fonds ESG.
Encore récemment, le fait qu’au cours des Universités d’été du Medef, aient été évoquées parmi les 3 mesures phares pour transformer durablement les entreprises, une meilleure transparence des informations extra-financières, conforte de manière très pragmatique ce constat.
Ainsi, chaque semaine apporte son lot de nouvelles initiatives qui démontrent que la l’investissement responsable prend une ampleur considérable et fait maintenant partie intégrante du paysage de la finance dans de très nombreux pays.
L’Histoire de l’ESG s’écrit maintenant, avec pour corollaire, la consolidation et le challenge des politiques RSE mises en œuvre, avec une forte attente sur la publication des informations extra-financières, tant en termes de transparence qu’en termes de pertinence.