RSE Reporting
ESG

L’ESG sort renforcé de 2020, mais des efforts à fournir dès 2021

Multiplication des fonds ISR, croissance des flux d’investissements sur les sociétés les mieux notées sur les critères ESG ; l’ESG a prouvé sa résistance face à la pandémie et sort indiscutablement renforcé de la crise. Ce formidable dynamisme de la finance durable est enthousiasmant, qu’il traduise le souhait des investisseurs d’avoir un impact positif sur la société ou qu’il s’agisse plutôt de réduire l’exposition au risque de long terme. Il apparait néanmoins indispensable d’apporter des améliorations à l’ESG et cela, à plusieurs niveaux.

 

ESG et greenwashing

Il semble nécessaire de clarifier et de mieux étayer le discours sur la finance durable ainsi que le contenu ESG des produits proposés par les gestionnaires d’actifs. Ainsi, l’Autorité des marchés financiers (AMF) – France a publié courant décembre, un nouveau rapport qui invite les gestionnaires d’actifs à plus de discernement dans leur discours marketing, en prenant mieux en compte la réalité des pratiques ESG mises en œuvre.

La seule formalisation d’une politique RSE ne saurait constituer une panacée. Les données climats font encore l’objet d’évaluations à géométrie variable et manquent de granularité. Elles génèrent pour autant des discours enjoués sur la performance carbone des émetteurs. La gouvernance (le G) n’est pas suffisamment prise en compte dans les analyses ESG.

Par ailleurs, le dernier rapport présenté en décembre par le Climate Disclosure Standards Board (CDSB) montre que les reporting extra-financiers de 50 des plus grosses entreprises européennes sont encore très perfectibles quant à la prise en compte des recommandations de la TCFD. Cela concerne la présentation des principaux risques ainsi que les méthodologies d’analyse de matérialité mises en œuvre.

Dans l’attente d’un écolabel européen pour les produits financiers, le règlement Disclosure, ainsi que l’entrée en vigueur de la Taxonomie verte, devraient permettre de mieux flécher les prises de décision d’investissement. La communication qui serait faite sur les fonds ESG serait, elle aussi, positivement impactée.

 

ESG et méthodologie d’évaluation

Les résultats du rapport présenté par le CDSB nous renvoient à la qualité et à la pertinence des données et des informations qui font encore trop souvent défaut. On voit ici une illustration du gain en matière de fiabilité des données qu’octroie l’usage d’une solution logicielle de reporting ESG. Une déficience que les autorités de régulation comme les chercheurs et les ONG et autres observateurs avisés ont souvent pointé du doigt. Et c’est pourtant sur ces données et informations que sont mises en œuvre les analyses ESG.

Dans un récent article de la Harvard Business Review, Richard Barker, Robert G. Eccles et George Serafeim ont publié un plaidoyer en faveur de l’initiative de l’IFRS quant à l’homogénéisation du reporting RSE. Ils y voient une opportunité pour que les investisseurs et l’ensemble des parties prenantes aient une vision beaucoup plus claire et homogène des performances d’une entreprise, corrélant performance extra-financière et financière. Une parfaite illustration du front anglo-saxon qui œuvre de concert en faveur d’une finance durable internationale plus robuste, en attendant les conclusions de l’EFRAG pour notre future réglementation européenne (NFRD).

Dans un article publié ces dernières semaines dans Allnews, Andrew Cave, directeur de la gouvernance et de la RSE de Baillie Gifford a lancé un pavé dans la mare, en se demandant si les notations ESG avaient vraiment du sens ? Selon son analyse sans concessions, les notations ESG doivent progresser sur 3 points pour gagner en fiabilité :

– Méthodologie : l’agrégation et la pondération. Par exemple “quel est le poids accordé aux droits des salariés et aux impacts environnementaux par rapport aux dispositions en matière de gouvernance et à la politique fiscale”

– L’hétérogénéité des entreprises amène les agences de notation à se concentrer essentiellement sur le risque ESG ; “une analyse ESG globale d’une entreprise doit également prendre en compte les avantages ESG, par exemple en quantifiant la contribution sociale de son modèle d’affaire.”

– Le manque d’homogénéité des données des rapports publiés et les ressources limitées des agences de notation, par rapport au nombre d’entreprises évaluées, font que les entreprises sont souvent classées en fonction de leur capacité à bien cocher les cases.

Comme évoqué dans notre précédent article : « Homogénéisation du reporting extra-financier : du rêve à la réalité ? », l’émergence de la prise en compte de l’impact corrélée aux Objectifs de Développement Durable (ODD) constitue une piste d’amélioration quant à une « pesée » plus efficiente de la performance globale et durable des entreprises, dans une logique de création de valeur pour l’entreprise et son écosystème.

 

Des compétences qui font encore défaut

Autre constat, rapporté en décembre par l’Allnews, Jean-Sylvain Perrig, président de le SFAA Swiss Financial Analysts Association (Swiss Financial Analysts Association), estime que les connaissances nécessaires pour intégrer la durabilité dans le processus d’investissement font encore cruellement défaut.

De nombreux observateurs s’accordent sur la nécessité de mieux former les différents acteurs concernés, décideurs, investisseurs et commercialisateurs. Cette formation permettrait d’éviter l’écueil du greenwashing et, à défaut de cadre normatif, contribuerait aussi à améliorer les méthodologies d’évaluation ESG.

« Il ne faut pas restreindre la RSE à la transition écologique » évoquait en juin dernier Denis Guibard, Président de la commission Développement durable et Responsabilité sociétale (DD&RS) de la Conférence des Grandes Écoles, directeur de l’Institut Mines Télécom BS. Cette remarque, ô combien pertinente, prend tout son sens pour illustrer la nécessité d’améliorer les connaissances des acteurs de l’ESG. Au-delà des seuls aspects économiques, techniques et réglementaires, l’intégration des aspects historiques, anthropologiques, philosophiques et sociologiques apparaît nécessaire pour permettre aux acteurs de l’ESG de mieux appréhender les enjeux d’une économie en pleine transformation.

L’intégration des critères ESG décisionnels sur l’ensemble du cycle de vie d’un investissement est donc appelée à devenir un prérequis incontournable de l’investissement durable en pleine croissance. Les prochains mois, vraisemblablement apporteurs de nouvelles évolutions réglementaires devraient améliorer la cohérence et la pertinence.

A suivre !