Il y a un an déjà, étaient publiées les recommandations de la « Task Force for Climate-related Financial Disclosures » (TCFD), invitant les directeurs financiers à prendre en considération le risque climatique en entreprise qui figurait depuis longtemps à l’agenda des directions développement durable. L’initiative Science Based Target a déjà rallié quant à elle plus de 400 entreprises.
Une étude du Carbon Disclosure Project (CDP), portant sur plus de 1600 entreprises et publiée en mars dernier, a révélé que neuf entreprises sur dix divulguent désormais leurs émissions de Scope 1 et/ou 2, et huit sur dix reportent au moins sur une catégorie du Scope 3. Par ailleurs, les comités exécutifs de 90% des entreprises interrogées et relevant de la Directive de l’Union Européenne sur les rapports extra-financiers prendraient désormais en compte les questions liées au climat.
Parallèlement, avec l’intégration de la TCFD dans le questionnaire annuel du CDP sur les changements climatiques, le processus de publication des données a gagné en rationalité pour les entreprises répondantes. Par conséquent, on s’attend à ce que plus de 6 000 entreprises déclarent leur risque climatique de façon standardisée en 2018. Cela représenterait plus de 50% de la capitalisation boursière mondiale et constituerait un énorme pas en avant.
Au-delà des promesses, agir !
Bien que le soutien public exprimé par les entreprises à l’égard de TCFD ait été impressionnant, il incombe maintenant aux entreprises de faire plus que de se contenter d’un simple discours. Et cela pourrait bien incomber aux directeurs financiers selon Jane Stevensen*, directrice de l’engagement du Groupe de travail sur les informations financières liées au climat (TCFD) au Carbon Disclosure Project (CDP).
Bien que le rapport du CDP montre qu’une majorité d’organisations supervisent les questions climatiques au niveau du board, l’engagement des dirigeants fait encore souvent défaut. Ainsi, seulement une entreprise sur dix intéresse ses dirigeants sur les résultats de la gestion des risques et les opportunités liés au climat.
La prise en charge de l’action climatique n’est donc encore que très rarement liée aux rémunérations des dirigeants. Selon Jane Stevensen, la gestion des impacts environnementaux ne peut plus rester de la seule responsabilité des directions développement durable. Elle précise que le directeur financier ainsi que les autres membres de la direction doivent désormais intégrer le risque climat dans leurs priorités stratégiques.
Investisseurs et banquiers jouent un rôle prépondérant
Si des investisseurs majeurs comme Amundi, BlackRock et Citigroup soutiennent la TCFD, c’est l’ensemble de la communauté des investisseurs qui désormais prend en compte le risque climatique en entreprise. Comme les sociétés de leurs portefeuilles, ils publieront des rapports sur la manière dont ils traitent de la gouvernance, de la stratégie et de la gestion des risques liée au climat, qui prennent de plus en plus d’importance pour les fonds de pension et autres propriétaires d’actifs. Rappelons ici l’application en France de l’article 173 de la loi de Transition Ecologique et Energétique (TEEE) ; ainsi, une soixante d’investisseurs institutionnels (Plus de 500 millions d’euros de bilan consolidé) ont désormais des obligations de reporting sur l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur politique d’investissement, ainsi que sur la gestion des risques climatiques et leur contribution au financement de l’économie verte. Elles doivent produire un reporting ESG ainsi qu’un reporting climat.
Selon Jane Stevensen, le secteur bancaire accentuerait la pression pour répondre aux émissions du Scope 3. Un enthousiasme qu’il conviendrait peut-être de tempérer si l’on considère les déclarations récentes du gouverneur de la Banque de France, Fraçois Villeroy de Galhau qui en appelle à pénaliser les actifs bruns, néfastes pour le climat, tout en favorisant les initiatives vertes, quand de Mark Carney, gouverneur de la banque d’Angleterre, appelle quant à lui à agir avant que le système financier ne soit déstabilisé.
Le risque climatique en entreprise, maintenant pris en compte dans la DPEF
De plus en plus d’entreprises ou d’organisations adoptent les recommandations de la TCFD à l’instar d’Euronext. La publication des impacts, des risques et des opportunités liés au climat est en passe de devenir un pré-requis pour la décision des investisseurs et plus largement des parties prenantes concernées par le changement climatique. Dans ce contexte, la Déclaration de performance extra-financière (DPEF), pourrait constituer en France – comme dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne ayant transposé la Directive européenne sur la publication des informations non-financières – un puissant levier de développement des stratégies bas-carbone fondées sur l’identification des risques environnementaux.
Cela induit que les entreprises revisitent leur cartographie des risques et/ou réévaluent leur analyse de matérialité, pour être en mesure de reformuler leur modèle d’affaire, à l’aune des risques extra-financiers identifiés, des politiques mises en œuvre pour les contenir et des KPis pour les piloter. Il reste encore quelques mois pour le faire avant d’enclencher le processus de mise en œuvre de la future DPEF.
(*) :la rédaction de cet article repose en grande partie sur la traduction de l’interview de Jane Stevensen, directrice de l’engagement du Groupe de travail sur les informations financières liées au climat (TCFD) au Carbon Disclosure Project (CDP), publié dans « Financial director » le 30 mai 2018.