La crise que nous rencontrons actuellement touche la société dans son entièreté et rebat les cartes. Les prises de conscience individuelles et collectives amènent à se poser la question de l’utilité. Utilité des métiers, utilité des entreprises, utilité de chacun. Quel rôle joue-t-on, quel impact a-t-on et quel sens poursuit-on ? Ainsi l’utilité sociale des entreprises est interrogée : les consommateurs souhaitent redonner du sens à leurs achats en privilégiant les entreprises responsables. Les salariés cherchent avant tout à donner un sens à leur mission et à travailler pour des entreprises entreprenant des démarches vertueuses. La question de la raison d’être de l’entreprise et de la performance extra-financière se renforce. De plus, les entreprises ayant déployé une stratégie RSE efficace et crédible, pilotée par un reporting extra-financier semblent mieux préparées.
Un air de changement du côté des consommateurs
En ce début de déconfinement, les analyses sur la période inédite que nous venons de vivre fleurissent. Beaucoup abordent le sujet du changement : ce qui a changé, ce qui va changer, ce qui doit changer. Quelles que soient les réponses, on observe une unanimité sur l’évolution à venir, a minima dans des déclarations d’intention. Les consommateurs souhaitent faire refléter leurs engagements dans leurs actes d’achat. Cela est favorable pour les circuits courts, les produits bio avec la volonté de mieux prendre en considération la santé dans leur alimentation et le soutien à la production française, voire locale. Les achats de vêtements non effectués pendant la période de confinement ne seront pas reportés sur l’après-confinement, les initiatives pour soutenir les restaurants se développent…
Autant de signes que le consommateur a pris conscience de ce qui est utile et de ce dont il a réellement besoin. Ceci devrait rapidement se traduire dans ses actes d’achats et donc influencer les entreprises qui devront répondre à ces attentes.
Une remise en question du côté des entreprises
Au même moment, les entreprises ont également amorcé ce travail d’introspection. Des marques de haute couture envisagent de bannir les défilés à l’autre bout du monde. Des entreprises souhaitent augmenter la part de télétravail (jusqu’à 100% pour certaines). Cette adaptation répond à la fois à leur besoin de résilience et d’économie qu’aux attentes des salariés et consommateurs. Et si, pour envisager de manière globale ces évolutions, l’entreprise réfléchissait à sa raison d’être ? Ce terme, mis sur le devant de la scène à l’occasion de la loi Pacte, propose aux entreprises de réfléchir à leur utilité. Passée, présente mais également future : comment, demain, l’entreprise sera toujours utile, pour qui, comment ? Ce qui implique de réfléchir à long terme sur son impact sociétal (positif et négatif), à sa création de valeur partagée et plus uniquement sous un angle court-termiste et financier.
La raison d’être de l’entreprise est devenue un sujet de réflexion clé depuis la loi Pacte votée en mai 2019. Désormais une entreprise doit être « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Attention cependant à ne pas faire de la raison d’être une déclaration d’intention, voire une nouvelle manière de communiquer. Elle se doit d’être incarnée au plus haut niveau de l’entreprise, affirmée par les dirigeants et chaque salarié doit pouvoir se retrouver dans cette raison d’être au quotidien. En quoi sa mission contribue à la raison d’être de son entreprise ? La réflexion autour de sa définition doit donc nécessairement être inclusive, embarquant les collaborateurs mais également les parties prenantes externes. En effet, une entreprise a une raison d’être car elle est un maillon d’une chaîne, répondant à un besoin, ayant des besoins…
Les 7 grands principes pour bâtir la raison d’être de l’entreprise
Pour nous, 7 grands principes doivent être suivis pour se doter d’une raison d’être pertinente, robuste et fédératrice :
- la mise en place des instances de gouvernance du projet : les contributeurs, les décisionnaires, les relais… pour un projet incarné et inclusif
- un état des lieux approfondis de l’existant pour une vision exhaustive du passé mais également prospective
- la co-construction avec interrogation des instances de gouvernance, des salariés et des parties prenantes externes clés
- une déclinaison opérationnelle avec des engagements, des indicateurs clés de performance assortis d’objectifs
- un déploiement efficace et transverse à travers des plans d’action avec une communication interne et externe
- un reporting pour piloter les engagements
- une évaluation régulière par les instances de gouvernances et un comité de parties prenantes externes.
La raison d’être de l’entreprise se nourrit de la stratégie RSE
Cette raison d’être va se nourrir de la stratégie RSE qui permet déjà de prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux et va l’enrichir. Pour faire vivre la raison d’être de l’entreprise, elle doit être pilotée. En découlera un mode de pensée intégrée pour fusionner la stratégie RSE au sein de la stratégie d’entreprise.
Un article soulignait en début de crise que les entreprises ayant une stratégie RSE s’en sortent mieux que les autres. Cela nous démontre, s’il le fallait encore, de la pertinence de formaliser sa politique RSE, ou la challenger : identifier ses risques extra-financiers et ses opportunités, dialoguer avec ses parties prenantes pour comprendre leurs attentes, avoir une réflexion long terme sur la réduction de ses impacts et l’amélioration de sa contribution positive… Ces différents leviers n’ont, in fine, qu’un objectif : créer une entreprise responsable dans son environnement actuel et durable dans le temps. Par ces engagements, l’entreprise devient redevable de sa performance vis-à-vis de ses parties prenantes, au premier rang desquels les investisseurs, qui intègrent de plus en plus dans leurs critères de sélection la performance ESG de leurs investissements. Se fixer des objectifs, les piloter, mettre en place des plans d’action, former, communiquer, sensibiliser et écouter sont les mots clés pour une stratégie RSE réussie.
Alors, stratégie RSE et raison d’être de l’entreprise, les deux leviers à actionner d’urgence pour son plan de continuité ? Gageons que oui !