Avec la transposition de la directive européenne relative à la publication d’informations non financières, la France franchit le cap de la « RSE d’engagement », dans laquelle la pertinence et la concision des enjeux sont privilégiées à leur exhaustivité. Méthode et précision seront de rigueur pour choisir, faire évoluer et évaluer les risques extra-financiers propres à chaque organisation.
Cartographie des risques extra-financiers : une analyse principalement interne
La seconde édition du très détaillé guide méthodologique du MEDEF sur le reporting RSE, publiée en septembre 2017, suite à la transposition de la directive européenne, expose deux approches possibles pour identifier les risques extra-financiers. L’une à partir d’une analyse de matérialité des enjeux, l’autre à partir de la cartographie des risques, et ce sur toutes les thématiques décrites dans l’article R. 225-105-1 du Code de commerce et reprises dans le décret du 9 août 2017 : conséquences sociales et sociétales, conséquences environnementales, respect des droits de l’Homme et lutte contre la corruption.
Si, en tant que telles, les deux approches sont pertinentes, elles diffèrent sensiblement. La cartographie des risques, contrairement à l’analyse de matérialité, « se limite » à l’identification des risques du point de vue de l’entreprise. Elle n’implique pas les parties prenantes et n’interroge pas nécessairement l’ensemble des risques extra-financiers, tels que définis par la loi. Par ailleurs, au-delà de faire le lien entre le modèle d’affaires, les risques identifiés et les politiques mis en œuvre pour y remédier, et bien que les textes ne mentionnent que le terme « risques », la notice du décret du 9 août 2017 recommande de tenir compte des opportunités. Le fait de ne pas saisir une opportunité pouvant être considéré comme un risque en soi.
Or, dans le cadre d’une cartographie des risques, si des opportunités peuvent être déduites, elles ne peuvent l’être qu’en « creux ». En d’autres termes, elles ne sont pas définies clairement, mais uniquement « sous-entendues » en regard des risques associés. De leur côté, les analyses de matérialité n’intégraient pas forcément, jusque-là, la notion de risques. Cela, alors même qu’elles offrent une approche plus systémique, robuste et performante pour identifier les enjeux extra-financiers pertinents pour l’activité de chaque entreprise.
Faire évoluer son analyse de matérialité au regard des risques
La nouvelle réglementation n’impose, en aucun cas, de devoir réaliser une nouvelle analyse de matérialité. Toutefois, les entreprises concernées doivent désormais être en mesure de prioriser les risques extra-financiers à intégrer dans le rapport RSE de l’année fiscale 2018. Toutefois, l’évaluation des critères de matérialité est par nature évolutive. Pour être pertinente, elle est à réaliser tous les trois ans environ (sauf croissance externe ou évolution majeure des activités de l’entreprise). Cela permettant de vérifier régulièrement les enjeux à risque identifiés par les parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes, et identifier d’éventuelles opportunités.
La transposition de la directive européenne peut toutefois être l’occasion de « challenger » une analyse de matérialité déjà réalisée. On s’assure ainsi que les enjeux extra-financiers réellement pertinents ont bien été pris en compte. Par un benchmark sectoriel, un croisement avec la cartographie des risques ou encore par une évaluation des risques au regard de l’évolution des référentiels existants (GRI, SASB…) ou des objectifs de développement durable (ODD). L’ensemble pouvant conduire à une modification des enjeux extra-financiers pertinents, et des opportunités qui en découlent, à surveiller.
Réaliser une analyse de matérialité sous le spectre de la nouvelle réglementation
Pour les entreprises qui n’auraient pas encore à ce jour réalisé une analyse de matérialité, il s’agit tout d’abord d’identifier les catégories d’enjeux à considérer et des risques qui s’y rapportent. Les aspects sociaux, sociétaux et environnementaux constituent le socle pour toutes les entreprises. A cela, s’ajoute pour celles qui sont cotées ou assimilées le respect des droits de l’Homme et la lutte contre la corruption.
Dans l’esprit de la nouvelle réglementation, l’essentiel n’est pas d’être exhaustif. Mieux vaut être pertinent dans le choix des enjeux et des risques extra-financiers. Là aussi, un benchmark sectoriel, une évaluation au regard d’un ou plusieurs référentiels (GRI, SASB, ISO 26000…) ou encore la confrontation avec les ODD permettent d’établir une première liste. Celle-ci devront ensuite être pondérées en les soumettant aux parties prenantes internes et externes. La robustesse de la méthodologie de consultation des parties prenantes est clé pour identifier les enjeux pertinents. En effet, le choix de l’échantillon, la formulation des questions, les modalités de recueil des réponses (entretien face à face ou téléphonique, enquête en ligne…) et l’identification des personnes physiques à interroger au sein des personnes morales identifiées comme parties prenantes sont autant de points qui peuvent influencer les résultats de l’analyse. Et qui feront par ailleurs l’objet de la vérification de conformité de l’OTI.
Dans tous les cas, et quelle que soit l’approche adoptée, l’identification des enjeux à risques et des opportunités nécessite méthode et précision. Alors que les rapportrices et rapporteurs sont actuellement engagés dans la préparation du reporting RSE 2017, elle constituera, à n’en pas douter, le temps fort du second trimestre 2018. En effet, les enjeux à risques et les opportunités identifiés constitueront la colonne vertébrale de la déclaration de performance extra-financière 2018. Tout cela aura un impact considérable sur le reporting, le pilotage et les rapports publiés.