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CSRD : de la nécessité des rapports de durabilité

On a pu voir ces dernières semaines certains observateurs s’alarmer de la montée en puissance de ce qu’il convient d’appeler désormais le rapport de durabilité, avec la mise en orbite de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Trop chronophage, trop de données à collecter, à consolider, à publier. En revanche, trop peu de moyens, humains, techniques et financiers à y consacrer… Le reporting de durabilité serait-il devenu le mal aimé de la RSE ? Dans tous les cas, il cristallise toutes les attentions !

 

CSRD Rapport de durabilité
570118753 @chaylek

 

En cette période de tournoi des 6 nations, la formidable victoire du XV tricolore contre celui de la rose, a été saluée par le retour aux fondamentaux, terme cher aux pratiquants et amoureux du ballon ovale. Si le reporting de durabilité ne saurait constituer une fin en soi, il constitue en revanche un des fondamentaux de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Il est le socle du pilotage des politiques RSE, comme il est le fondement du partage des informations et des données avec les parties prenantes des entreprises.

 

Le reporting de durabilité au service de la RSE

Du reporting extra-financier au reporting de durabilité en passant par les rapports RSE, développement durable et Déclaration de performance extra-financière (DPEF), cette évolution ne doit rien au hasard. Cette évolution nous dit celle de la RSE elle-même. Celle d’une RSE normative, qui a fait l’objet d’une exigence réglementaire française, puis européenne transposée dans notre droit. Quand dans le même temps, la RSE a toujours été vue comme une opportunité de communication, à défaut d’être un levier de transformation.

La transposition de la directive européenne du 22 octobre 2014 relative à la publication d’informations non financières, en DPEF, avec l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 et le décret n° 2017-1265 du 9 août 2017, devait engager les entreprises sur une nouvelle voie. Son approche par la « matérialité » avait pour corollaire la volonté d’ancrer la RSE dans sa contribution à la performance globale des entreprises, et par là même, générer plus de pertinence et d’utilité pour les entreprises, comme pour leurs parties prenantes.

Les quatre années de mise en œuvre de la DPEF ont incontestablement permis de constater des progrès. Pourtant, la notion de performance ne s’est pas systématiquement accompagnée de collecte plus fréquente des indicateurs clé de pilotage. Ainsi, selon la 10ème étude de Tennaxia sur les pratiques de reporting et rapports extra-financiers, la fréquence de remontée des KPIs auprès des organes de gouvernance reste annuelle pour 55% des entreprises de l’échantillon, 12% semestriellement et 22% trimestriellement.

Ce qui atteste de la difficulté à intégrer la RSE dans toute l’entreprise, dans ses directions opérationnelles et fonctionnelles, à faire qu’elle soit prise en compte – systématiquement – dans les décisions et les actes, ce que prévoyait pourtant l’ISO 26000 dans la définition même de la RSE. Précisément, alors que beaucoup s’interrogent et il faut bien le dire, critiquent la profusion des indicateurs, indicateurs clés de pilotage et autres Key Performance Indicators (KPIs), comment s’en passer pour attester de la mise en œuvre des politiques environnementales, sociales et éthiques. Comment, sans eux, rendre compte de ce qui a été fait et reste encore à faire ?

Dans un post récent sur Linkedin, Dominique Steiler, professeur senior, titulaire de la Chaire UNESCO pour une culture de paix économique de Grenoble Ecole de Management, commentait l’illustration ci-dessous en disant « Nous confondons souvent les outils de pilotage avec la réalité, ce qui nous conduit à “piloter aux indicateurs” au lieu de prendre/donner soin aux forces vives de l’entreprise. Si les outils sont utiles à comprendre et décider, ils nécessitent avant tout le discernement. »

Indicateurs

 

Discernement ! Oui, il s’agit bien de cela. Identifier les bons KPIs, c’est-à-dire ceux qui sont matériels. Les expliquer à celles et ceux qui seront chargés de mettre en œuvre les actions qui devront être mesurées, pour être pilotées et donc les expliquer aussi à celles et ceux qui seront chargés de collecter les données.

Mesurer, car « ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas » (William Edwards Deming, théoricien de l’amélioration continue). Ce faisant, si garder les équipes intéressées, informées, impliquées et inspirées, est une excellente pratique de management, gage d’un leadership pertinent et épanouissant pour les femmes et les hommes de l’entreprise, doit-on se satisfaire de son seul énoncé pour se convaincre de son déploiement et de l’atteinte de l’objectif ? Assurément non. Pas plus qu’on ne saurait se satisfaire des seules politiques RSE placardées, sans pouvoir en constater les effets ; illustrer par quelques actions n’est pas suffisant.

Discernement donc dans le choix des indicateurs clés de performance. « Moins mais mieux » gagnerait à être le leitmotiv des DPEF d’aujourd’hui et des CSRD de demain, pour prouver l’efficacité des politiques RSE.

 

La CSRD, un reporting de durabilité enfin au service de la transformation des entreprises

Comme nous l’avions évoqué dans un précédent article, la CSRD sonne les glas des reporting rétroviseurs, leur collecte annuelle et leur manque d’engagement sur des objectifs. La CSRD vise conjointement à favoriser la transition des entreprises européennes vers une économie mondiale durable et à améliorer les flux financiers en faveur des activités durables dans l’Union européenne.

L’amélioration du contenu des rapports extra-financiers, désormais rapports de durabilité, est la condition sine qua non du succès de la transition écologique voulue par la CSRD. Les entreprises devront ainsi communiquer des données et des informations relatives aux enjeux de durabilité qui seront identifiés par l’analyse de double matérialité. Des données qui devront permettre d’évaluer l’impact de leur activité sur l’environnement et la société en général et les risques et opportunités que cet environnement et la société font peser sur son modèle d’affaires et donc sur sa durabilité.

Avec la CSRD, reporting de transformation et donc reporting d’engagement des entreprises dans cette transition énergétique et sociale, l’information environnementale, sociale et sur la gouvernance (ESG) va devenir un marqueur de la performance économique des entreprises, avec une forte connectivité des états financier et extra-financier, tant pour les acteurs financiers que pour l’ensemble des parties prenantes.

Les 12 ESRS (European Sustainability Reporting Standards), développés par l’EFRAG cadrent les modalités de reporting de la future CSRD et propose une architecture de reporting construite sur :

  • 3 niveaux d’information : agnostique, sectoriel et spécifique,
  • 4 domaines de reporting : implication de la gouvernance sur les enjeux de durabilité, stratégie dont risques et impacts, déploiement et mesure de la performance
  • 3 thèmes : environnement, social et gouvernance.

La mesure de la performance nous renvoie au processus de reporting, à la collecte et au pilotage des données, qui sont au cœur des préoccupations des différents acteurs impactés par la CSRD, au premier rang desquels les entreprises. Et on comprend pourquoi, à la lecture du 1er baromètre RSE Wavestone réalisé en collaboration avec le C3D au printemps 2022

Alors que « le pilotage et la mesure de la performance RSE, est la 4ème mission des directions RSE (91 % des répondants) quand formaliser le reporting extra-financier pour rendre compte de la performance RSE arrive en 5ème position (81 %), seuls 31% des répondants disposent d’indicateurs matures, définis globalement et déclinés localement… 55 % des entreprises interrogées TPE/PME Grandes entreprises ne disposent pas d’outil de reporting pour leur performance extra-financière ».

Dès lors, les répondants apparaissent, pour une majorité, insuffisamment outillés pour piloter la performance durable de leur entreprise, pour piloter et rendre compte de la transformation de leur entreprise, alors que la donnée va devenir un élément indissociable des engagements sur les trajectoires et de la réussite ou non de leur mise en œuvre.

Autrement dit la donnée est appelée à devenir comptable de l’action, elle devra apporter la preuve de la transformation concrète de l’entreprise lors de la publication annuelle, et elle constituera au fil de l’eau, le socle du pilotage de la transition engagée. A condition, bien sûr, de pouvoir aisément en disposer.

Comme nous l’avions évoqué dans notre article « Le logiciel de reporting de durabilité, la réponse au défi majeur de la qualité des données RSE et ESG » les solutions logicielles de reporting de durabilité apparaissent désormais comme un outil indispensable pour que les directions RSE/développement durable, les Chiefs Impact Officer et les Chiefs Value Officer pilotent leur stratégie RSE/ESG, et en rendent compte aux organes de gouvernance ainsi qu’aux parties prenantes de leurs entreprises.

 

En conclusion

L’un des objectifs de la CSRD est d’améliorer la transparence pour toutes les parties prenantes afin de réorienter les investissements vers des technologies et des entreprises plus durables.

La qualité des données et la facilité de leur collecte, de leur consolidation et de leur pilotage est un enjeu majeur. A titre d’exemple, l’initiative Science Based Targets (SBTi) est choisie par nombre d’entreprises qui veulent attester de la robustesse de leurs engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Après validation des engagements, ces entreprises doivent rendre compte de la conformité de leur trajectoire réelle par rapport à la trajectoire annoncée dans l’engagement SBT. Certains observateurs ont noté que ce reporting avait parfois fait défaut.

Il ne suffit plus de dire. Il faut étayer ses informations avec des données robustes qui permettent de rendre compte de la réalité des engagements ESG dans les rapports de durabilité.

 

Article rédigé par :

Bertrand Desmier

 

 

 

 

 

Crédit photo : AdobeStock_570118753 @chaylek