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CSRD : où en sont les entreprises françaises en matière de gouvernance de l’ESG ?

Au cours du mois de septembre, le Medef, EY et Deloitte ont présenté les résultats de leur 4ème bilan annuel sur la mise en œuvre de la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF), tandis que Tennaxia, Euronext et BPI présentaient les résultats de la 10ème étude annuelle sur les pratiques de reporting et de rapports extra-financiers. A quelques semaines de la publication de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) au Journal Officiel Européen, l’analyse de ces deux études permet de faire un point sur l’état d’avancement des entreprises françaises en matière de reporting de durabilité, et d’envisager les pistes de progrès à mettre en œuvre sur le sujet de la gouvernance.

 

Gouvernance ESG
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« La directive CSRD commence à inquiéter les entreprises françaises » titrait récemment Novethic Essentiel. Dans cet article, Karine Hillaireau, vice-présidente RSE de Stellantis et présidente du groupe de travail du Medef sur la finance durable et la performance ESG évoquait que si l’entrée en vigueur pouvait paraître encore lointaine, il fallait se pencher dessus dès 2023,  (la CSRD est applicable en 2025 pour l’exercice 2024 pour les entreprises déjà assujetties à la DPEF ;  exercice fiscal 2025  et publication en 2026 pour les autres grandes entreprises ayant plus de 250 salariés ; 2026, publication en 2027, pour les PME cotées).

A ce sujet, l’Etude Tennaxia précise que 59 % des entreprises de son échantillon (200 entreprises participantes, 75 questionnaires complets, soit 68 % d’entreprises cotées, 51 % avec un effectif supérieur à 5000 collaborateurs, 55 % avec un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros et 65 % d’entreprises françaises) ont commencé à travailler sur la CSRD. La gouvernance est le troisième sujet d’anticipation derrière les indicateurs clés de performance et la double matérialité.

 

CSRD, un enjeu de gouvernance

La CSRD et c’est nouveau, considère le rôle de la gouvernance comme un enjeu majeur pour la mise en œuvre des transitions énergétique, écologique et sociale. Ainsi, elle exige 3 domaines de reporting.

  • La stratégie : la stratégie et le modèle d’affaires, la gouvernance et l’analyse des principaux impacts, risques et opportunités),
  • La mise en œuvre (les politiques, les objectifs, les actions et les ressources allouées),
  • La performance (les indicateurs notamment de suivi de l’atteinte des objectifs).

 

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La CSRD adresse l’intégralité des critères ESG : les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (le rôle de la gouvernance de la société sur les sujets environnementaux et sociaux)

Une évolution qui répond aux aspirations de nombre de parties prenantes. Citons, à titre d’exemple, les acteurs du private equity, qui selon une étude PWC de 2021, se déclarent à près de 95 % « très concernées par les questions de gouvernance spécifiques comme l’éthique, les valeurs et la culture d’entreprise, la prévention de la corruption ou encore la cybersécurité et la protection des données » et confirment que les sujets d’Environnement, Sociétaux et de Gouvernance (ESG) sont désormais abordés plus d’une fois par an en conseil d’administration chez 56 % des sociétés de capital-investissement.

Selon l’étude Tennaxia , le comité de direction et/ou le comité exécutif ont été impliqués dans la mise en œuvre du reporting pour 39% des répondants. Le conseil d’administration quant à lui a interagi dans le processus de reporting pour 20% de l’échantillon. Enfin, les directions générales et/ou les Comex ont été impliqués pour la formalisation du modèle d’affaires dans 81 % des entreprises répondantes.

Le bilan présenté par le Medef, EY et Deloitte, fait état de 84 entreprises (sur un échantillon de 100 grandes entreprises majoritairement issues du SBF120) qui précisent déjà leur gouvernance en matière ESG. On apprend par ailleurs que 55 le font de manière détaillée, avec deux illustrations probantes, celles d’IPSEN et de BIC.

Si les données présentées par les deux études ne sont pas strictement comparables, elles se complètent néanmoins et nous donnent un aperçu de l’état de l’art et des progrès qui restent à accomplir. Comme on peut le constater, les entreprises du SBF 120 prennent déjà en compte le sujet de la gouvernance en matière d’ESG. En revanche, les chiffres de l’étude Tennaxia, sur un scope plus large d’entreprises cotées et non cotées, nous montrent qu’une marge de progression est indispensable pour répondre aux exigences de la future réglementation européenne.

Par ailleurs, l’étude Tennaxia apporte une précision intéressante sur la remontée des indicateurs clés de performance à la direction générale des entreprises, gage du pilotage de la performance de l’entreprise en matière environnementale et sociale. Si la majorité des entreprises reste encore ancrée dans le « reporting rétroviseur » avec 55% des exécutifs qui prennent connaissance une fois par an des KPIs, on constate une progression sur les partages semestriel, trimestriel, voire mensuel. Des chiffres encourageants, certes, mais qui montrent néanmoins que le chemin sera encore long pour que les données extra-financières soient examinées avec la même acuité que les données financières, alors même que la CSRD a pour vocation de rapprocher financier et durabilité.

Selon le 4ème bilan annuel sur la DPEF, 41 entreprises assignent des objectifs ESG à leurs managers.  En complément, selon le dernier baromètre publié jeudi par l’IFA (Institut français des administrateurs) avec le cabinet Ethics & Boards la part des critères ESG dans la rémunération variable annuelle des entreprises du SBF 120 est passée de 15 % à 2020 à 20 % en 2021, et de 9 % à 14,1 % pour la partie long terme sous forme d’actions ou d’options de performance.

La CSRD est un puissant levier d’intégration des sujets ESG dans la gouvernance et le pilotage des entreprises. Avec la CSRD, la finalité du reporting de durabilité sera désormais d’apporter la preuve de la transformation durable des entreprises. Les grandes entreprises cotées apparaissent d’amblée comme les mieux préparées pour faire face aux futures exigences. Pour les autres entreprises assujetties à la DPEF, ces quatre années d’expérience constituent un précieux atout.

En revanche, pour les « nouveaux entrants » du reporting de durabilité, SAS et autres entreprises de plus de 250 salariés, la situation diffère. Bien sûr, les entreprises déjà engagées dans des démarches de labellisation RSE volontaires, basées sur l’ISO 26000, trouveront une belle opportunité de valoriser la durabilité de leurs business models. Pour les autres sociétés, qui n’auraient pas la même maturité RSE, la marche à franchir semble plus haute, avec de profonds changements à opérer. Et si 2025 paraît encore lointain, il ne faudra surtout pas perdre de temps pour se préparer à mettre en œuvre leur futur reporting de durabilité.