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CSRD et loi sur la restauration de la nature

La loi européenne sur la restauration de la nature vient d’être adoptée par le Parlement Européen. Elle est l’un des piliers du pacte vert pour l’Europe. Si elle constitue une victoire en faveur de la préservation de la biodiversité européenne, il faudra encore attendre que le Conseil l’adopte pour qu’elle entre en vigueur. L’échec de la CS3D invite à la prudence. Quelles sont les connexions avec la CSRD ?

 

restauration de la nature
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L’Union européenne est en passe de devenir le premier continent à s’aligner sur l’accord trouvé lors de la COP15 de Kunming-Montréal sur la biodiversité, de décembre 2022. Les pays de l’UE devront restaurer au moins 30% des habitats en mauvais état (forêts, prairies, zones humides, rivières, lacs et fonds coralliens) d’ici 2030, 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050.

Cette loi constitue un véritable allié pour les entreprises affectées directement par l’effondrement de la biodiversité et les risques climatiques ». (55% du PIB mondial, soit 41 700 milliards de dollars américains, dépend de la biodiversité et des services écosystémiques, selon l’étude de 2020 du Swiss Re Institute,). On se souvient qu’une centaine d’entreprises européennes, en particulier des secteurs de l’agro-alimentaire, de la finance et de l’énergie, s’étaient exprimées en juin dernier en faveur de cette loi.

 

CSRD et biodiversité

La CSRD permettra-t-elle une meilleure prise en compte de la biodiversité ? Un constat s’impose. Jusqu’à présent, la biodiversité était le parent pauvre de l’environnement dans les DPEF. Elle échappait très fréquemment aux radars des analyses de matérialité. Ou, quand elle était citée, c’était pour constater qu’elle n’était pas matérielle et cela, même pour des entreprises potentiellement affectées par l’effondrement de la biodiversité.

L’avènement de l’analyse de double matérialité de la CSRD, avec la prise en compte des enjeux de durabilité, du fait des impacts (positifs ou négatifs), risques et opportunités (IRO) qui devra porter sur l’ensemble de la chaîne de valeur en amont et en aval, devrait changer la donne.

Dans le cadre particulier de l’ESRS E4 « Biodiversité et Ecosystèmes », l’analyse de double matérialité doit plus particulièrement prendre en compte :

  • « (a) la contribution de l’entreprise aux vecteurs d’incidence directs sur la perte de biodiversité :
    • le changement climatique ;
    • le changement d’affectation des terres (p. ex., artificialisation des sols), ainsi que le changement d’utilisation des eaux douces et des mers ;
    • l’exploitation directe ;
    • les espèces exotiques envahissantes ;
    • la pollution ;
    • les autres vecteurs ;
  • (b) les incidences (impacts) sur l’état des espèces (taille des populations, risque d’extinction mondiale, notamment) ;
  • (c) les incidences (impacts) sur l’étendue et l’état des écosystèmes, notamment dues à la dégradation des terres, à la désertification et à l’imperméabilisation des sols ;
  • (d) les incidences (impacts) et dépendances vis-à-vis des services écosystémiques. »

Si l’analyse de double matérialité met en évidence que la biodiversité est matérielle selon les critères de la matérialité d’impact ou de la matérialité financière, ou des deux, il y aura lieu de prendre en compte la biodiversité.

Pour rappel, l’ESRS E4 « biodiversité et écosystèmes » comporte 6 exigences de publication (*/**) :

  • E4-1 : Plan de transition et prise en considération de la biodiversité et des écosystèmes dans la stratégie et le modèle économique
  • E4-2 : Politiques liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-3 : Actions et ressources liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-4 : Cibles liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-5 : Métriques d’incidence liées à l’altération de la biodiversité et des écosystèmes
  • E4-6 : Incidences financières escomptées des risques et opportunités importants liés à la biodiversité et aux écosystèmes

 

En conclusion :

Stratégie nationale pour la biodiversité, objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) de la loi Climat et résilience adoptée en août 2021 (que seulement un tiers des chefs d’entreprises connaissent selon OpinionWay) et en l’état, la loi votée sur la renaturation de la nature, constituent un contexte favorable à une meilleure prise en compte de la biodiversité par les entreprises.

L’initiative « Entreprises engagées pour la nature », pilotée par l’Office Français pour la Biodiversité, vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d’actions d’entreprises. Il s’adresse à toutes les entreprises, quel que soit leur niveau de maturité en matière de préservation de la biodiversité et qui veulent s’engager concrètement. A ce jour, 256 entreprises adhèrent et 160 sont engagées.

En novembre dernier, le gouvernement avait pour ambition de labelliser 5000 « Entreprises engagées pour la nature », d’ici 2030.

6000 entreprises françaises environ sont soumises à la CSRD. Quel sera leur impact sur la préservation de la biodiversité ? A suivre !

 

(*) L’acte délégué de l’Union Européenne fixe des exemptions pour les entreprises de moins de 750 personnes la première année de mise en œuvre de la CSRD, sur les exigences d’information définies concernant la biodiversité.

(**) Par ailleurs, toutes les entreprises pourront omettre les informations suivantes la première année où elles appliqueront les normes : les incidences financières escomptées liées à des aspects environnementaux non climatiques

 

 

Article rédigé par :

Bertrand Desmier