RSE Reporting
ESG Reporting RSE

Que retenir du rapport intégré : pourquoi et pour qui ?

Le rapport intégré a fait l’objet de plusieurs conférences au cours de ce mois de juin, où l’International Integrated Reporting Commitee (IIRC), des entreprises pionnières, des chercheurs et des professeurs de business school sont venus présenter leur approche méthodologique, leur retour d’expériences et le fruit de leurs recherches. Qu’en retenir alors que précédemment, de nombreux observateurs s’accordaient sur sa capacité à corréler performance financière et extra-financière mais divergeaient sur les contenus, les modalités de diffusion et finalement sur les publics adressés.

 

Pas de rapport intégré sans Responsabilité Sociétale intégrée et par là même, levier de performance globale

Un consensus s’est dégagé sur la “tendance” qui consiste à prendre désormais davantage en compte les informations financières et extra financières dans le pilotage des entreprises. Il était encore trop tôt pour parler de véritable généralisation du phénomène et que les modalités de mise en œuvre et d’évaluation n’étaient pas encore totalement fixées. Cette montée en puissance des données extra financières, plutôt d’ailleurs qualifiées d’ESG (Environmental, social and governance) par les financiers, vient souligner la reconnaissance de deux notions clés de la RSE que sont la création de valeur et la performance globale.

La Responsabilité Sociétale constitue un levier de performance globale ainsi qu’un moyen de mesurer la création de valeur, à la condition sine qua non d’être totalement intégrée dans la stratégie de l’entreprise, c’est-à-dire appropriée par la direction générale et partagée par toutes les lignes managériales des fonctions supports et opérationnelles. Autrement dit on parle ici d’une RSE à la transversalité assumée, mise en œuvre à tous les étages de l’entreprise et bien évidemment… pilotée. Certains intervenants n’ont pas manqué de souligner ici que le rapport intégré se voulait le support permettant le mieux d’attester de la pérennité du modèle de création de valeur de l’entreprise.

L’IIRC de rappeler par ailleurs que le rapport intégré se devait d’expliquer comment l’entreprise créait de la valeur sociétale, de quoi étaient constitués ses capitaux financiers, manufacturiers, intellectuels, humains, sociaux et environnementaux, comment son business model interagissait avec son écosystème et enfin quels étaient les risques, les inputs et outputs positifs ou négatifs.

On peut par ailleurs évoquer la montée en puissance de l’évaluation de la gestion durable des entreprises, aujourd’hui poussée par l’évolution réglementaire (Article 225 de la loi Grenelle 2, Directive Européenne sur la transparence sociale et environnementale à transposer dans notre droit rappelons-le d’ici décembre 2016), ainsi que par des parties prenantes de plus en plus pressantes, non seulement quant à la transparence des données et informations extra-financières, mais aussi quant à leur compréhension, leur concision (comme leur exhaustivité en fonction des attentes), et bien sûr, leur fiabilité.

 

Le rapport intégré, un rapport prioritairement dédié aux investisseurs et aux analystes extra financiers

Alors que les investisseurs n’ont pas besoin d’aide pour décrypter les Documents de Référence (DDR), ils regrettent néanmoins aujourd’hui le volume de ces supports qui n’aide en rien à leur lisibilité. Les DDR français sont trois fois plus volumineux que ceux des autres pays (en moyenne 360 pages contre 120 pages dans le monde). Des documents trop volumineux qui, s’ils ne permettent pas d’appréhender l’intégration de la RSE dans le business model, ne permettent pas non plus d’apprécier la pérennité du business model et de disposer d’une vision prospective de l’entreprise.

A l’analyse des DDR publiés en fonction des exigences en vertu du décret n°2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale, on constate trop souvent qu’il s’agit d’une sorte d’ajout complètement décorrélé du reste du support, quand bien même quelques renvois sont pratiqués, notamment sur les thématiques liées à la gouvernance ou aux rémunérations par exemple.

Finalement, le nouvel appendice social et environnemental ne permet guère plus que son prédécesseur de l’ère NRE d’établir clairement le lien de causalité entre extra-financier et financier. Alors même que l’addition des indicateurs de formation, de turnover et d’accidentologie pourrait éclairer les résultats économiques et financiers d’une entreprise et apprécier sa capacité à opérer pour les années à venir. En fait, l’approche de la matérialité de la GRI G4, sur laquelle se sont majoritairement appuyées les directions RSE – à savoir la définition des thèmes RSE matériels/pertinents pour l’entreprise au regard de son activité et de son implantation territoriale – ne satisfait pas les financiers soucieux de proposer aux investisseurs une matérialité traduisant au plus près les impacts des enjeux extra-financiers… sur le financier.

Dans ce contexte, en corrélant les données et informations financières et extra financières (et surtout en donnant du sens à cette corrélation, en s’appuyant sur la réalité de l’activité de l’entreprise), le rapport intégré vise à faciliter la lecture de la performance globale de l’entreprise – ici et maintenant – tout en permettant d’apprécier sa capacité à affronter l’avenir. Son objectif est bien de rendre compte d’une stratégie d’entreprise claire, concise, et plurielle, en ne limitant pas la richesse de l’entreprise à sa seule trésorerie court termiste, mais en prenant bien en compte les aspects extra financiers qui auront un impact futur sur la santé financière de l’entreprise. Pour illustrer ce propos, à quelques mois de la COP 21, on voit ici l’importance de l’impact carbone des entreprises ou encore la pression du changement climatique sur certaines activités comme la production viticole par exemple.

Maintenant, même s’il s’agit de produire un rapport concis, d’une cinquantaine de pages comme évoqué par certaines entreprises pionnières, ce support de « mieux » est destiné à un public restreint.

Il adressera en particulier les investisseurs et les analystes extra-financiers, les grands donneurs d’ordre (achats responsables) et quelques parties prenantes averties comme des ONG, des journalistes économiques ou encore le corps académique et leurs étudiants. Il constitue potentiellement un formidable outil de communication interne propice à véhiculer la stratégie de l’entreprise et à renforcer l’adhésion des collaborateurs à la culture de l’entreprise, à condition d’en orchestrer et accompagner la diffusion par le management. Quant aux autres parties prenantes, des collectivités aux services de l’Etat, en passant par les consommateurs et les citoyens, cette concision assise sur la matérialité risque de ne pas leur apporter les réponses attendues.

Finalement, le rapport intégré ne remplace aujourd’hui aucun support, mais vient s’ajouter au DDR (obligatoire) et aux rapports (volontaires) publiés par les entreprises. En revanche, il pourrait à l’avenir constituer la colonne vertébrale d’une architecture éditoriale multimodale, en proposant des compléments thématiques où chaque partie prenante pourrait venir chercher la donnée et l’information qui l’intéressent en particulier. A suivre !