Reporting RSE

CSRD : un jeu de 13 normes extra-financières mises en consultation publique

L’EFRAG*, vient de soumettre à consultation publique un premier jeu de normes. Les parties prenantes ont jusqu’au 8 août pour interagir avec l’organisme chargé par la Commission européenne de préparer la CSRD, future réglementation européenne en matière de reporting extra-financier, qui s’imposera à près de 50.000 entreprises européennes qui dépassent au moins deux des trois seuils d’éligibilité retenus, 20 millions d’euros de bilan, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 250 salariés.CSRD : un jeu de 13 normes extra-financières mises en consultation publique

 

13 normes de durabilité

Afin de répondre à l’objectif ambitieux de soumettre à la Commission européenne un premier ensemble de projets ESRS** d’ici novembre 2022 et de bénéficier de la période de consultation publique la plus longue possible, l’EFRAG vient donc de publier ses premières versions de normes. Une publication qui suit de près celle des drafts formalisés par la SEC*** pour les Etats Unis « Rule on Climate-Related Disclosure » et l’ISSB**** présidée par Emmanuel Faber.

  • Principes généraux et norme transversale :
    • ESRS 1 – Principes généraux (49 pages) ;
    • ESRS 2 – Exigences en matière d’information générale, de stratégie, de gouvernance et d’évaluation de la matérialité (39 pages) ;
  • Environnement :
    • ESRS 1 – Changement climatique (44 pages) ;
    • ESRS 2 – Pollution (24 pages) ;
    • ESRS 3 – Ressources en eau et ressources marines (18 pages) ;
    • ESRS 4 – Biodiversité et écosystèmes (39 pages) ;
    • ESRS 5 – Utilisation des ressources et économie circulaire (20 pages) ;
  • Social :
    • ESRS 1 – Effectifs de l’entreprise (65 pages) ;
    • ESRS 2 – Travailleurs dans les chaînes de valeur des entreprises (23 pages) ;
    • ESRS 3 – Communautés affectées (21 pages) ;
    • ESRS 4 – Consommateurs et utilisateurs finaux (20 pages) ;
  • Gouvernance :
    • ESRS 1 – Gouvernance, risques, gestion et contrôles internes (17 pages) ;
    • ESRS 2 – Conduite des affaires (16 pages).

 

Morceaux choisis

Compte tenu de l’importance de la publication de l’EFRAG, nous avons pour ce nouvel article compulsé les deux premiers ESRS. Une lecture rapide des onze autres documents amène au constat que les entreprises assujetties pourraient être appelées à publier plus d’une centaine d’indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Concernant l’ESRS 1 sur les principes généraux, l’objectif poursuivi est que les entreprises assujetties mettent à disposition des parties prenantes et parties intéressées une information de qualité. A cette fin, les CSRD devront répondre à des critères de pertinence (la double matérialité est clairement revendiquée comme la base du reporting de durabilité), de transparence et de fiabilité, de comparabilité, d’auditabilité et de compréhension.

Concernant le Périmètre de reporting, il s’agit de celui retenu pour les états financiers élargi à la chaîne de valeur amont et aval. Ce qui va clairement poser le problème du sourcing, tant en termes de moyens que de méthodologie. En France, on a pu voir que la loi sur le Devoir de vigilance avait amené les entreprises à travailler sur ce point afin de définir pour l’amont quels étaient les fournisseurs à prendre en compte. Mais il s’agit d’une faible part des entreprises françaises impactées par la future CSRD.

Pour l’ESRS 2 consacré aux exigences en matière d’information générale, de stratégie, de gouvernance et d’évaluation de la matérialité, trois points ont plus particulièrement attirés notre attention.

Le premier concerne la stratégie et modèle d’affaires. Les entreprises seraient amenées à fournir une description concise de leur stratégie et de leur modèle d’affaires, en guise de contexte introductif à leur rapport de durabilité. Elles devront par ailleurs décrire les modalités d’interactions sur ces deux points avec leurs parties prenantes, et comment leurs impacts significatifs affectent leur stratégie et leur business model. Dans le même esprit, les entreprises devront décrire l’interaction entre les risques et opportunités significatifs et leur stratégie et leur modèle d’entreprise.

Quant à la gouvernance, l’objectif ici est de fournir une description des rôles et des responsabilités de ses organes de gouvernance et de ses niveaux de gestion en matière de développement durable. A savoir comment les organes de gouvernance sont informés des questions de durabilité et quels sont les sujets qu’ils auront traités pendant la période du reporting. Il faudra aussi préciser comment les sujets de durabilité sont pris en compte dans la variable des rémunérations des dirigeants.

La double matérialité constitue, comme on l’a déjà évoqué dans de précédents articles, à la fois la clé de voute de la transition écologique et donc de la future CSRD et la poire de discorde avec l’ISSB qui reste figée sur la matérialité financière.  Selon le draft soumis par l’EFRAG, les entreprises devront fournir une description des processus et ressources mis en œuvre afin d’identifier leurs impacts, risques et opportunités en matière de durabilité et évaluer ceux qui sont les plus significatifs ; autrement dit, matériels.

Comme évoqué dans le premier ESRS, le périmètre à retenir sera celui de la chaîne de valeur amont et aval. Il conviendra par ailleurs de publier les informations répondant aux exigences de conformité précisées dans l’ESRS pour les aspects agnostiques et sectoriels du rapport. Pour la couche dite « spécifique » de la CSRD, il faudra préciser le processus utilisé pour l’évaluation des impacts, risques et opportunités.

Dans tous les cas, il conviendra de préciser comment les parties prenantes ont été sélectionnées et comment on a évalué leur point de vue. Pour déterminer si une question de durabilité est importante, elle doit être analysée à la fois du point de vue de l’impact et de la matérialité financière, à savoir en termes de risque et d’opportunité. L’ESRS précise d’une part, comment évaluer les impacts sous-jacents, réels et potentiels, négatifs et positifs sur l’environnement et d’autre part, comment considérer les risques et opportunités financiers liés à la durabilité.

On notera la présence, bienvenue, d’un appendice dédié à la définition des différents termes employés. Un deuxième appendice concerne les modalités de mise en œuvre pour chacune des thématiques de ce deuxième ESRS.

 

En conclusion

Les experts de la Task-force de l’EFRAG ont fourni un travail considérable, dans un laps de temps relativement court. Qu’ils en soient félicités. Il appartient maintenant aux parties prenantes, entreprises, cabinets de conseil, ONG, associations, universitaires et toutes celles et ceux qui se sentent concernés, d’apporter leur concours dans le cadre de cette consultation publique.

Qu’il s’agisse de la structure du rapport, du périmètre à prendre en compte, de l’implication de la gouvernance, de la double matérialité et des indicateurs qui seront finalement retenus, la CSRD constitue véritablement une évolution par rapport à la NFRD que nous avons en France transposée en DPEF.

L’analyse de double matérialité apparaît depuis plusieurs semaines comme la source de beaucoup d’interrogations. Comment identifier les enjeux à risques, opportunités et impacts, quelles parties prenantes prendre en compte et selon quelle méthodologie les interroger ? Ensuite, comment pondérer les résultats, les agréger et les consolider ? Enfin, comment rendre l’analyse de double matérialité compréhensible pour les parties intéressées ?

Jusqu’à présent, l’analyse de matérialité se traduisait par une matrice de matérialité, construite en abscisse et ordonnée. Mais quid de la représentation de la double matérialité ? Le groupe ENEL a anticipé la CSRD en publiant dans son rapport de durabilité 2022 sa première analyse de double matérialité. Gageons que cette initiative fera l’objet d’analyses et de développement.

A suivre !

 

(*) EFRAG : European Financial Reporting Advisory Group

(**) ESRS : European Sustainability Reporting Standards

(***) SEC : Securities and Exchange Commission

(****) ISSB : International Sustainability Standards Board, dépendant de l’IFRS Foundation